Les marges de tolérance des seuils d'intolérance

condition majeure pour la créativité des arts à savoir
les marges de l'intolérance des seuils de la tolérance

 

Histoire cosmogonique ?

La tolérance et l'intolérance créent les seuils et les marges de l'acceptable et de l'inacceptable, du supportable et de l'insupportable. C'est un espace mouvant qui est attaché à un grand nombre d'attributs. Principalement ou originairement par la cosmogonie de la civilisation qui pose ses tabous comme limite à ne pas franchir sous peine de perdre le sens des principes de l'organisation sociale de cette civilisation. Quand la société est de « bonne humeur », elle devient plus tolérante et ses marges de tolérance s'élargissent. On retrouve la même attitude des parents envers les enfants. Et les arts deviennent « florissants ». Au contraire quand une civilisation est en crise, ses marges se resserrent jusqu'à ne plus faire qu'un seuil de « tolérance zéro » comme les régimes totalitaires funestes du XXe siècle. Heureusement tout artiste et autres insoumis ont la possibilité de s'échapper du territoire néfaste. C'est en ce sens qu'une globalisation ne laisse pas d'échappatoires aux désobéissants, indignés, résistants et autres être humain des marges.

Les bons et les méchants

Mais chacun perçoit à des niveaux de seuils différents (même du point de vu de la marge) dont sa marge est proportionnelle à sa bonté ou à sa méchanceté. Oui. Tolérance et intolérance sont intimement liées à la bonté et à la méchanceté. Qui est liée à l'insatisfaction (la frustration) et la bonté à la satisfaction. On autorise plus de choses quand on est contenté et moins jusqu'à rien quand on ne l'est pas (fâché et obstiné). Une histoire de vengeance, de faire payer l'autre de ses malheurs et la nécessité du bouc-émissaire. Ça n'évolue toujours pas, depuis longtemps. C'est en fonction de notre balancement irrégulier entre contentement et mécontentement qui provoque le changement constant des niveaux de seuils de tolérance ou d'intolérance. Ces seuils et ses marges changent avec le contexte et l'histoire personnelle de chacun. Par contre, ces seuils ne changent pas ou très lentement (sur des périodes d'un demi-siècle) dans l'application d'une politique commune d'un gouvernement d'Etat.

Changements tolérables ou intolérables

A partir de quoi d'où et quand, on perçoit un changement ? C'est cette perception du changement qui nous indique la marge de tolérance perceptive éduquée; un espace où ça ne change pas, où l'on ne perçoit pas de changement est un espace toléré et apprivoisé si les changements sont presque prévisibles. Plus l'audition est concentrée et entraînée, plus cette marge se réduit (dans le contexte culturel musical donné). Tolérance et intolérance sont obligatoirement liées à la morale sociale et familiale (moeurs et tradition) ainsi qu'à la culture de son caractère (son profil psychologique de ce qui est apprécié ou pas). Ce qui explite l'intolérence de certains compositeurs et chefs d'orchestre : leurs marges de tolérence de leur justesse est très étroite. Mais l'imperçu ne dérange pas contrairement au perçu inhabituel ou soudain. La tolérance gère la capacité à accepter quoi que ce soit, contrairement à l'intolérance qui supporte la brisure psychique très proche : « elle va craquer, il va cogner ». Et la gamme qui s'applique à la tolérance aussi bien qu'à l'intolérance va de la douleur à la jouissance pour les sensations des deux extrémités opposées (qui peuvent parfois se confondre). Pour la musique, le seuil va plus loin : jusqu'à la frontière du perçu et de l'imperçu. Cette frontière est mouvante et dépend d'un très grand nombre d'attributs : la civilisation, la culture, l'éducation, l'état d'esprit, la croyance, la (dé)formation physiologique, la (in)disposition psychologique, etc.

Le champ de liberté des instruments de musiques

La tolérance de l'audition est-ce un assourdissement (in)-volontaire (un manque de discernement) ou la perception du discernement qui n'affecte pas sa tolérance entre ce qui est « juste » ou ce qui est « faux » ? Tout instrument pose les limites du possible à la fois par sa conception et par la capacité du musicien. Chaque instrument de musique possède un champ de liberté qui permet l'interprétation du musicien où le compositeur ne s'aventure pas ou presque (en tout cas, il le sait, on s'arrange pendant les répétitions). Les tolérances de justesse de hauteur (toujours par rapport à un modèle) par rapport aux 12 demi-tons divisant l'octave et accordés au diapason du la3 = 440 Hz deviennent marginales quand on opère avec un grand nombre d'échelles sur des diapasons différents. Généralement, la tolérance dans le champ de liberté des hauteurs correspond un peu moins que l'intervalle constituant l'échelle : au-delà, cela perturbe la cohérence de l'harmonie et peut faire perdre le sens de la composition. Cette tolérance de la mobilité des hauteurs permet les infimes variations nécessaires à l'humanité de la musique. Les instruments à hauteurs fixées comme le piano et les claviers (qui peuvent toujours se re:accorder) ont un champ de liberté plus large avec d'autres attributs. Ses attributs doivent s'inventer pour sortir de la quadrature sérielle : hauteur - durée - intensité - timbre qui mécanise la musique occidentale.

La provocation artistique n'est pas une agression : pour créer le prétexte à la guerre

La provocation révèle la censure, autrement dit l'intolérance exécutive de l'état d'esprit d'une culture réglée. L'intolérance qui s’est donné le pouvoir de stopper l'activité créatrice. Le degré d'intolérance s'évalue en fonction du possible et de l'impossible cru et admis à la réalisation d'une création. La frontière entre tolérance et intolérance ou possible et impossible s'exprime dans une marge, une marge munie d'un seuil. Le seuil est la limite taboue infranchissable physique et morale. Le rôle de l'artiste (en tout cas le mien) est de re:pousser ces seuils pour élargir son champ de création. Mais cet élargissement (pour d'autres, cet écartement douloureux) ne peut s'opérer que progressivement (sans doute à cause de la douleur). Un élargissement soudain (reçu comme une agression, alors que ce n'est qu'un mouvement large et rapide) soulève les barrières de l'intolérance et l'opération radicale de la censure. La compréhension n'est pas immédiate et peut parfois prendre des années (je parle aussi pour moi). Aussi l'entourage (le serrage) de la censure a cette malheureuse tendance à un mouvement en progression constante vers l'intolérance. La censure elle-même (ne m'aime pas) élargit son champ d'inaction qui réduit la marge de liberté de la création autonome : c'est un jeu à ceux qui auront toute la couverture, bien que là ne soit pas la question. « Il est interdit d'interdire » est aussi une forme de censure. Mais une création qui n'a plus d'autonomie (ou trop peu) n'est plus une création, mais une imitation. Malheureusement la tolérance de l'imitation n'a pas de limite à son expression contrairement à la création originale. La bataille est au départ inégale. Ceux du camp d'interdire ont l'avantage de la domination contre ceux du camp de permettre. N'est-ce pas absurde toute cette hostilité ?

Evaluation subjective qui relève du contexte culturel

En fait dans la création artistique il n'y a aucune limite, comme pour la création scientifique : seulement l'étroitesse d'esprit qui ne comprend et ne gouverne pas ce qu'il ne comprend pas, terrifie l'obtus. Souvent l'obtus détourne les créations pour des utilisations guerrières ou de pouvoir. Jusqu'à pousser l'absurdité de croire que le son pouvait être une arme (des recherches militaires avec des budgets colossaux s'y sont consacrées : ce n'est pas une plaisanterie). Sachant ce que nous savons du son, nous ne pouvons que sourire ou pleurer de la volonté de son utilisation agressive ou de torture guerrière. A Guantanamo par exemple, où les limites du tolérable semblent être franchies en passant aux prisonniers de la musique hardcore à très fort volume en continu sur plusieurs jours dans sa cellule : même les amateurs de hardcore craquent.

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