RYTHMES DÉPHASÉS ou EN DÉPHASAGE
[DÉPHASIQUES ou LOOPIQUES (pas loupés ?) OU les mêmes calés qui se décalent et se recalent DES MÊMES DÉCALÉS]

[1]

Bon,
donner un nom à un phénomène pour l'identifier sert à le pointer et s'en rappeler. Là, il s'agit du phénomène de déphasage rythmique dans ses durées, pas comme celui de Steve Reich qui décale le même rythme avec le tempo (fréquence/vitesse) qui bouge indépendamment pour chaque même rythme donnant l'effet spectaculaire connu : ordre -> désordre -> ordre (dans l'ordre), mais ici (toujours avec le désir de mouvoir son corps intérieurement et extérieurement) de superposer au moins 3 différentes figures rythmiques de durées différents qui répétées ensemble donne un rythme perpétuellement changeant et... dansant.

I

Mon cheminement pour en arriver à ces rythmes en déphasique loopique, a commencé à mes débuts, par la superposition de différentes durées, telles que :
7      7      7      7      7      7      7      7      7      7      7      7      7      7      ...
8       8       8       8       8       8       8       8       8       8       8       8       8        ...
9        9        9        9        9        9        9        9        9        9        9        9         ...
Répéter la même durée, ensemble donne un rythme global mouvant qui à chaque coup change. Fascinant !
Le temps de se retrouver ensemble en même temps dépend de la multiplication numérique des durées employées, ici : 7.8.9 = 504 => on se retrouve au 504e temps/coup.

Rythmiques réalisées massivement par exemple dans mes premières partitions orchestrales telles XØ abandonnées car aucun orchestre institutionnel n'est prêt à jouer, cette musique, ou : dans le finale de Tension en 1982 pour, l'apaisement perpétuel, joué sur 3 vitres indépendantes en déplacement de la périphérie au centre par les 3 musiciennes de l'ensemble Tension.

Le rythme décalé le + simple est le 3 pour 2, rythme qui se retrouve tous les 3 coups (pour 2 et 2 pour 3) :
|: 2 2 2:|
|: 3  3  :|
pointé par l'Ars Nova au XIVe siècle qui a initié la musique savante polyphonique de la culture d'Occident.

À mixer différents rythmes des différentes voix en une seule voix, Costin Miereanu nommait cette pratique : « rythme pelliculaire » (un nom comme un autre qui pour Costin fait référence à la pratique désignée, pas pour moi, mais qu'importe).

Si on « écrase » le 3 pour 2, on a la suite rythmique : |: 2 112 :|

Si on « écrase » la polyphonie rythmique à 3 voix : 7 pour 8 pour 9, ci-dessus en une voix, on a la suite rythmique de 504 temps : |: 7115223331431...

Et, avec la base 1 = double-croche, ça donne la suite rythmique de durées : •.. •|| •|| ••|| •| •| •|. •|. •|. •|| • •|. •|| ... [2]

Pour une écriture/lecture simplifiée ; de cette suite rythmique doit apparaître la pulsation qui permet de compter pour déchiffrer ce rythme. Ou : de passer de la notation rythmique du chant (dite arithmétique = qui s'additionne) à la notation rythmique de danse (dite géométrique = qui se divise) ou : l'ajustement dans la mesure (la mesure ne sert qu'à ce que les danseurs.ses puissent se repérer).

...

 

II.

Dans la continuité, on remplace le coup d'une seule durée (arithmétique = le chant) par un rythme (géométrique = la danse) en groupe.
En reprenant le rythme : 7 pour 8 pour 9 ci-dessus, on a la superposition :

7 |||||||,|||||||,|||||||,|||||||,|||||||,|||||||,|||||||, ...
8 ||||||||,||||||||,||||||||,||||||||,||||||||,||||||||,||||||||, ...
9 |||||||||,|||||||||,|||||||||,|||||||||,|||||||||,|||||||||, ...

C'est la même chose numériquement (que la superposition des durées) sans être la même chose musicalement. Dans chaque groupe (considérable comme une mesure à 7, 8 et 9 temps), on conçoit un rythme où le coup est soit sur le temps (de la battue) soit entre temps (entre 2 battues). Exemple :

| | | | | | |, <=> |: 1 - 3 - 4,5 - 6,5 :| ...
•   •  •   •
| | | | | | | |, <=> |: 2 - 4 - 5,5 - 7 :| ...
  •   •  •  •
| | | | | | | | |, <=> |: 1,5 - 2,5 - 4 - 5 - 6,5 - 7,5 - 9 :| ...
 • •  • • • •  •

Chacune, chacun, à répéter son rythme donne ensemble un rythme évoluant en permanence et, dansant. Fascinant !
voir l'annexe 2 page 5 de la partition d'Envoûtant d'Amour.

[le « virgule cing » (= ,5) marque l'entre battue approximative.
Et, dommage que la barre-espace des machines à écrire ne superpose pas exactement les symboles pour une meilleure compréhension.
]

J'utilise ces rythmes régulièrement tellement on se régale ! comme dans le trio à cordes En Vous Tant d'Amour, ou dans ADAPTATIO et les autres... Essaye

...

 

III.

L'étape suivante, après le déphasage des durées puis des mesures de rythmes, nous pouvons continuer avec le déphasage des phases de mesures superposées.

Reprenant l'exemple 7/8/9 <=> à se retrouver à la 504e pulsation, à considérer l'ensemble pour une seule voix dont est superposé la triade par exemple 6/10/11 <=> à se retrouver à la 660e pulsation, avec une troisième superposition par exemple 4/5/13 <=> à se retrouver à la 260e pulsation. Ces longs cycles à jouer en partie ou dans leur intégralité.

...

 

IV

L'asynchronicité est une mine de richesses sans fond pour la création rythmique. Elle dépasse la simple mesure répétée identifiée par son nombre : à 2 temps, la valse à 3 temps, le rock à 4 temps, la musique bulgare à 5 temps, la musique arabe à 6 temps, etc. Elle ouvre un autre champ d'investigation musicale que l'Occident dans tenue des tons a omis. Répéter pour ne pas répéter est le sens fondateur de l'asynchronicité. Car dans le temps asynchrone, les intervalles de temps sont divisibles à l'infini, ce que la synchronicité efface. Mais la synchronicité absolue n'existe pas, il n'y a que celle relative qui pilote les machines esclaves avec la suite des latences connues du monde numérique.

 

LES MARGES D'ERREUR ESSENTIELLES à la musique

Il est essentiel de reconnaître la marge d'erreur de l'interprétation de la musique. Ayant eu la longue expérience du jeu machinique des séquenceurs numériques, nous savons à quel point un rythme peut être fade dans son exécution. La marge d’erreur est essentielle à la musique pour que le rythme puisse se balancer = inciter à se bouger le corps. Avec une exécution mécanique et strictement synchrone des mesures déphasées, il n’y a que l’ennui qui l'emporte. L’indépendance de mesures de rythmes superposées favorise les glissements temporels que la synchronicité absolue interdit. Considérons 10% d’erreur par glissement pour que la musique incite à la danse qui est différent suivant les contexte de l'interprétation.

 

 

Notes
[1] Mise au point ● sans se justifier : mon côté péda-gogique (paidagôgia), c'est pas pour faire la leçon (de domination) aux jeunes humains tus, mais c'est pour bien comprendre moi-même ce quoi je pratique, par sa formule à tion. + en faire profiter les autres, intéressés par le phénomène à le développer.
[2] notation des valeurs de durées avec les symboles de la machine à écrire (type writer) :

symbole nom valeurs numériques
•|||| quadruple croche 1/16 1 1/128
•||| triple croche 1/8 2 1/64
•|| double croche 1/4 4 1/32
•| croche 1/2 8 1/16
noire 1 16 1/8
o blanche 2 32 1/4
O ronde 4 64 1/2
carrée 8 128 1

voir tables à http://centrebombe.org/livre/10.8.html

 

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