Accorder son instrument

sur d'autres gammes

 

 

La situation difficilement résolvable d'accorder les instruments occidentaux de musiques sur d'autres échelles que celle de 12 tons équidistants dans une octave, parait insurmontable. Après presque 1 siècle (vers 2020) de tentatives, cette pratique n'est pas rentrée dans les moeurs. Les facteurs d'instruments restent sur leurs acquis (sans l'esprit exploratoire et inventif des facteurs passés). Le conservatoire de musique « classique » continue et entretient à enseigner la musique du passé sur la base tonale de 12 tons divisant l'octave. La musique populaire aussi. Toujours et encore en 2013. Il semble que cela soit dû plus à une résistance des esprits qu'à un manque de moyen. A la retenue de l'esprit traditionaliste contre l'épanouissement de l'imagination. A la résistance à la reconnaissance de la multitude d'inconnus. L'exemple de Harry Partch (1901-1976) ou de Julián Carrillo (1875-1965) de construire leurs propres instruments de musique dans les années 20 du XXe siècle a été suivit par certains (dont moi-même), mais ces instruments uniques doivent être déménagés, réparés parfois même reconstruit pour être entendus et pose des problèmes de conservation, d'exactitude, même d'apprentissage jusqu'à de déchiffrage [1]. Mais les tentatives ne manquent pas : un très grand nombre de personnes se passionnent pour accorder les instruments de musique sur d'autres gammes. Un luthier aux Etats-Unis propose des manches de guitare électrique frettés sur différentes gammes à visser sur le corps « solid body » de l'instrument. Depuis le début, la « norme » MIDI permet l'usage d'autres « gammes » que celle dominante de 12 tons divisant l'octave. Mais très peu de synthétiseurs MIDI en donnaient l'accès [2]. Pour y accéder, il fallait programmer dans le processus interne de la machine, mais peu de musiciens et compositeurs n'ont ni les capacités du programmeur informatique ni le temps de la programmation au détriment de la musique. Puis sont apparus les premiers programmes informatiques, le premier pour ordinateur Apple, qui permettait à la fois de calculer la gamme et de l'envoyer à un synthétiseur MIDI. Le dernier en date pour ordinateur PC, est Scala [3] de Manuel Op de Coul, fait la même chose, mais avec un nombre d'outils beaucoup plus grand et une collection impressionnante de gammes existantes (géographiques et historiques) et inventées (à majorité octaviantes). Aujourd'hui, générer et jouer des gammes inouïes avec l'aide de l'informatique (le gros calculateur) est devenu presque facile et deviendra courant dans quelques années, bien que les « oreilles » ne semblent toujours pas s'entendre à vouloir entendre autre chose que les stéréotypes de la gamme tempérée de 12 tons [4].

 

Historique trouble de l'impossible histoire

Qui a commencé ?
Quelle importance ?
Un nombre incalculable d'humains musiciens inconnus depuis « l'aube de l'humanité » pour différencier le similaire ont accordé des instruments de musique.
...

 

Procédure de normalisation : domination de l'échelle tempérée de 12 tons OU la fausse histoire de notre gamme chromatique

L'explication de la provenance historique d'une pratique, est la manière de légitimiter cette pratique comme « naturelle » qui « doit » aller de soi pour tous. Mais la réalité semble tout autre : personne pour l'instant n'a apporté la compréhension saine (sans idéologie entachée d'un désir de domination) du cheminement historique des gammes musicales sur notre planète. Ce que l'on constate par rapport aux instruments qui nous sont parvenus du très loin passé (principalement des flûtes en os et lithophones, la matière périssable des autres - corde, peau, bambou, bois - n'a pas permi leur conservation [5]), est uniquement le nombre de « notes » des gammes proposées : une gamme commence avec 5 sons similaires, en dessous de 5 sons, il n'y a pas de gamme. Une gamme de 5 sons (elles sont innombrables) se nomme en occident « pentatonique » de penta- : 5 et tonique : corde tendue (le ton est une corde tendue. Calculer sur une corde tendue semble plus facile que de calculer sur autre chose, puisque toute notre harmonie repose sur la tension des cordes et un nom hypothétique : Pythagore). La gamme dépend de l'instrument de musique, c'est l'instrument qui donne la possibilité de la gamme (et pas la gamme qui crée l'instrument, bien qu'avec les bambous et les bouts de bois...).
...

 

Diverses propositions avant la normalisation du tempérament 12 fixé par la mécanique de l'ordinateur

A partir de la Renaissance (sic), le calcul est devenu à la mode et son usage entourait de prestige son calculateur. C'est à cette période que le zéro a traversé la Méditerranée vers l'Europe, mais que les nombres négatifs (de l'ensemble Z) n'étaient pas encore intégrés. C'est à partir de cette période que l'épidémie des calculs de la gamme musicale ont débuté, calculé par des non-musiciens. L'idée saugrenue était de forcer l'introduction dans l'octave de divers intervalles de tons pour une gamme « juste ».
...

 

Les pionniers de la désobéissance à l'hégémonie du tempérament 12

Julian Carrillo (1875-1965), Ivan Wyschnegradsky (1893-1979), Alois Haba (1893-1973), Harry Partch (1901-1976), et les autres.
On se demande, après Claude Debussy (qui fit connaitre aux oreilles la gamme par ton) comment en même temps à la succession des révolutions musicales, la gamme tempérée de 12 tons c'est fixée immuable à confondre dièses et bémols ? La marge de tolérance du 1/2 ton variait grosso modo de 17√2 à 10√2 en cents : de 70 à 120 qui aujourd'hui reste fixe à 100. Voyant arriver le désir hégémonique de l'intolérance, on se demande si le désir des pionniers de l'usage du « micro-intervalle » n'était pas le prétexte à s'échapper de l'uniformisation totalitaire de l'unique tempérament 12. Le XXe siècle a vécu les plus nombreux régimes politiques totalitaires de l'histoire de l'humanité; une collection de régimes totalitaires similaires dans leurs différences : capitaliste, communiste, socialiste, militaire, monarchique, etc. Qui aujourd'hui a été remplacé par un régime totalitaire global (planétaire) : le régime totalitaire de l'anarcho-capitalisme (ou néolibéralisme). La musique originale a toujours fait office de résistance involontaire à l'intolérance par sa position marginale d'être obligatoirement libre (sans liberté pas de création musicale possible), position qui aujourd'hui est contrariée par sa segmentation en genres isolés face à une industrie envahissante basée sur la prostitution du vedettariat. S'échapper de tempérament 12, encore aujourd'hui est une gageure : c'est-à-dire, s'échapper de l'intolérance. Mais l'histoire de cette résistance scalaire presque centenaire s'étoffe par un grand nombre de propositions (dont la nôtre par les Champs Scalaires nonoctaviants) dans la continuation de la tradition des découvertes pionnières à la recherche d'autres sonorités.
...

 

L'octave roi, est une déviation de l'idéologie chrétienne de la fusion dans Dieu

Le désir d'octaviation est apparu probablement au XIe siècle avec le plein-chant ecclésiastique (après le chant grégorien) de l'école de Notre-Dame avec Pérotin comme nom archivé. Et son calcul à partir de la Renaissance avec le premier début de la formation de son imposition. Avec le zéro, le 1/2 ton 18/17 nonoctaviant de la série harmonique traversait la Méditerranée avec l’oud arabe sans frettes où la « distance de l'index » formait le premier 1/2 ton en question (rapport = 1,0588235...) et fixé avec l'oud européanisé renommé : luth avec des frettes fixées et réajustées petit à petit à la division de l'octave (12√2 = 1,05946).
...

 

Aujourd'hui, un grand nombre de propositions (hier invisibles) devenues visibles sur le réseau Internet

Les propositions d'accordages tellement innombrables aux quatre coins du monde montrent que l'hégémonie du tempérament 12 est plus une imposition institutionnelle qu'un désir d'uniformisation globale de la part de tous les êtres humains musicaux de la planète.
...

 

Appliquer d'autre échelles aux instruments de musique existants

. Tous les instruments acoustiques, électriques et électroniques occidentaux sont conçus sur l'échelle unique 12√2 = 1,05946.

. Pour pouvoir appliquer une échelle quelconque (de la forme a√b ou a/b) simple ou composée différente de 12√2, il faut connaître le champ de liberté de l'instrument et en particulier celui de la variabilité de ses hauteurs. La possibilité plus ou moins large de varier de façon continue, à partir d'une position centrale fixe : délimite le champ de liberté : plus il est grand, plus la possibilité d'appliquer une échelle autre que 12√2 est grande. Il suffit qu'un champ soit continu pour qu'on puisse lui appliquer n'importe quelle échelle. L'exemple des cordes (V, Alt, Vcl et Cb) où la touche n'est pas sectionnée par des barrettes (frettes) fixes est parlant : l'étendue pour chaque corde sur la touche est presque de 2 8ves suivant les modèles. Pour les trombones, l'étendue continue de la coulisse est d'une 5te, 5te-. Pour les flûtes le champ de liberté des hauteurs est de l'ordre d'environ 1/2 ton dépend du musicien : les flûtes à anneaux sont plus propice à la variation que les flûtes à plateaux. Ce champ de liberté des hauteurs est comme le réglage de l'étendue du « pitch bend » d'un synthétiseur. En cent de 0 à 1200 suivant les modèles. D'ailleurs, les premières échelles différentes de 12√2 élaboré dans les synthétiseurs MIDI, se font avec des réglages fixés du pitch bend pour chaque note, aussi.
...

 

 

 

.

Notes
[1] « L'interprétation de la musique d'Harry Partch pose un problème, car elle ne peut être exécutée que sur ses instruments, qui ont heureusement été préservés à la Montclair State University (Upper Montclair, New Jersey) et dont quelques répliques ont été réalisées. » Alain Féron.
[2] Les synthétiseurs ou samplers MIDI qui ont (built-in) un tableau d'accordage interne (tuning table) peuvent être accordés par des programmes externes. Ceux qui reconnaissent le sysex (system exclusive) à la volée (bulk tuning dump) peuvent changer l'accordage de l'instrument pendant le déroulement du morceau. Très peu aujourd'hui de synthétiseurs ou samplers peuvent recevoir des messages de changement d'échelles en temps réel. Le premier : le DX7 (1983) suivit des DX7II, TX81Z, TX802, SY77, TG77, SY99, VL-1, VL-7 Yamaha ainsi que les Proteus E-mu (1990) et les Ensoniq EPS, EPS16, ASR10 (1987) sont devenus en 20 ans des antiquités. Aujourd'hui, les synthétiseurs et samplers introduits dans l'ordinateur (avec la généralisation du laptop en concert) au format VSTi sont réduits en majorité aux 12 tons (tant que le client ne demande rien) ou doivent importer pour certains un fichier script au format .txt ou autre manipulation en temps différé. N'est-ce pas une régression ?
[3] Scala est un freeware pour toutes plateformes, téléchargeable à http://www.huygens-fokker.org/scala
[4] Voici un exemple : la 1re Gymnopédie d'Erik Satie interprétée au Piano préparé de John Cage et dont les rapports de fréquence ont été modifiés par un modulateur fréquentiel (Canam Leather Mod 1.0 DX). Quelque chose est reconnaissable et quelque chose ne l'est pas. Le rythme et les proportions formelles sont identiques, mais les repères de hauteurs et le timbre sont différents, ce qui empêche de percevoir la musique avec notre « mémoire affective éduquée » celle qui donne la possibilité de reconnaitre ses émotions. La reconnaissance qui attache une émotion à un état devenu repère. Avec les nouvelles musiques, il faut rééduquer sa mémoire affective avec sa présence dans notre environnement quotidien : ce qui n'est pas le cas, d'où l'inaudibilité de ses musiques dues à la surdité psychologique des auditeurs. Voici un second exemple avec la variation 25 Goldberg de Johan Sebastian Bach où l'émotion ressentie ne peut-être similaire à l'original tempéré dû à la perturbation des stéréotypes : des rapports de hauteurs connus et du timbre du piano.
[5] la conservation est un symptôme de notre civilisation occidentale qui se réalise dans l'archivage : qu'est-ce que nous avons peur de perdre ?

Céder à la facilité

Accorder son instrument par l'octave, la quinte et la quarte, facilite la tâche. Pratiquement tous les instruments acoustiques occidentaux s'accordent par ces 3 intervalles.

...

Bibliographie
. Scott R. Wilkinson : Tuning In Electronic Music (Hal Leonard Book, 1988)
. Jean-Etienne Marie : L'Homme Musical (Librairie Arthaud, 1976)
. Harry Partch : Genesis of a Music : an Account of a Creative Work, its Roots and its Fulfillments (The University of Wisconsin Press, Madison, 1949) ; (2e éd. révisée et augmentée, Da Capo Press, 1974)
. Julian Carrillo, Sonido 13, fundamento científico e histórico, Ed. J. Carrillo, México (1948)
. Julian Carrillo, Teoría lógica de la música, 2a. edición, Ed. J. Carrillo, México (1954)
. Alois Haba : Bases harmoniques du système par quarts de ton (Harmonické základy čttvrtónové soustavy, 1922)
. Alois Haba : Neue Harmonielehre des diatonischen, chromatischen, Viertel-, Drittel-, Sechstel- u. Zwölftel- Tonsystems [ « Nouveau traité d'harmonie utilisant les systèmes tonals diatoniques, chromatiques, en quarts, tiers, sixièmes et douzièmes de tons »] (Kistner und Söhne, Leipzig, 1927)
. André Schaeffner (1895-1980) Origine des Instruments de musique, Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale (Mouton, 1968). Pdf 4.2Mo (ou le fantasme d'un directeur de musée d'instruments morts).
Ça sonne un peu colonialiste (bien que la date de publication soit une ère de revendication de liberté et d'égalité). Le colonialisme est la source de l'ethnomusicologie dont John Blacking s'insurgeait : « la musique des sauvages » (sic). Le point de vu ethnomusicologique est le point de vu du Blanc dans les mondes de la couleur où la domination et la supériorité étaient cultivées au détriment d'une mutuelle compréhension. Tous les territoires permettant la découverte d'autres musiques étaient des territoires colonisés et conquis qui permettaient aux (ethno)musicologues de s'y rendre à travers l'institution (tous frais payés).
. Olivier Roueff, L'ethnologie musicale selon André Schaeffner entre musée et performance (in Revue d'Histoire des Sciences Humaines, no 14, 2006) Pdf 172Ko
Critique de l'approche muséale (collection, classement) et morale (Durkheim) de Schaeffner au style un peu pompeux. Le mot « Origine » des instruments est un fantasme de « musique élémentaire » où le primitivisme est un désir décontextualisé projeté par « une race supérieure qui produit de la musique savante écrite » (sic), plus qu'une étude comparative des cultures musicales dans le respect mutuel.
. John Blacking, How Musical is Man ? (University of Washington Press, 1973)
traduit en Français par :
Le sens musical (Minuit, 1980) qui réduit à ce qu'il y a de musical dans l'homme, à une histoire de direction...
. Franck Jedrzejewski, Dictionnaire des musiques microtonales (L'Harmattan, 2003)

 

 

suite

re tour à la table des matières