la volonté créatrice confrontée

aux situations contextuelles

 

 

Création de l’oeuvre d’abord, puis disposition de l’œuvre dans le contexte ensuite

le contexte se dispose à l'oeuvre,

le contraire la compromet irrémédiablement

dans le cas contraire l'art se transforme en décoration (en cache misère)

 

Le socio-politique de l’impossible.

Pourquoi les contextes sont toujours hostiles aux (nouvelles) créations originales ? C’est un fait que l’on constate tout le long de notre histoire occidentale des arts. Les artistes originaux non carriéristes sont incompris et maltraités (par volonté et par méprise) de leur vivant puis honorés après leur mort comme une fierté patriotique (mais pas forcément compris). Comme si l'artiste, dans nos sociétés au modèle militaire (hiérarchique), était obligé de passer par le sacrifice de la misère, survivre à cette misère pour devenir le héros postmortem attendu. Nos sociétés confondent l'imagination avec l'image des nations. Où la récupération des artistes pour la fierté nationale. Ces récupérations parfois touchent le sordide : je pense à Frédérique Chopin (français d'adoption et polonais de naissance) mort et enterré à Paris, mais dont la Pologne a récupéré son cœur et ses mains (il y a eu tranchage du corps mort. Oui !) pour les ramener en Pologne. Ou la pissotière de Marcel Duchamp honorée comme un objet de culte (acquise pour une somme qui dépasse la raison par le musée Beaubourg (sic)), le contraire de ce que désirait Marcel Duchamp : un art sans objet.

La création est un sacrifice sans grandiloquence de soi parmi les autres (on ne gagne rien que de vivre intensément, passionnément). Cela oblige à vivre en marge des conforts sociaux. Des conforts sociaux plus destinés à une population soumise au flux dirigé [2] dont parle Guy Debord dans son film « In girum imus nocte et consumimur igni » (= palindrome qui signifie : nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu) en 1978 : les esclaves modernes. La liberté est la condition obligatoire pour créer une œuvre sincère. Qu’est-ce qu’une « œuvre sincère » ? Un travail du soi qui se lie étroitement dans les « plis de l’être » : le contraire du mensonge. Une œuvre sans concession. Les concessions mènent à des ouvrages où l’intention est brouillée, où la démarche artistique est perdue. Il n’y a pas de démocratie dans l’art : il n’y a pas de « dictature du peuple ». Être artiste c’est être obligatoirement insoumis, indépendant. Les artistes doivent protéger la santé de leurs œuvres contre les récupérations maladives par ceux qui poussent l’artiste à la concession. Mais ça craque toujours avec le privilège de l’argent. Il faut être courageux, le courage valorise. Mais il y a des œuvres collectives d’artistes, oui (mais pas assez). Où les démarches s’interpénètrent dans leurs « plis » (j'aime les plis spatiaux !). Il n’y a pas de concession possible avec les non-artistes qui profitent (financeurs, producteurs, diffuseurs, etc.), sous peine de détournement de l’œuvre, et de sa perte de sens. Elle a perdu ses sens : elle perd sa vie : une vie pour rien, un sert-à-rien, un insignifiant. Ça envahit un temps, sans toucher les sens de nos vies. Mais ça les pollue, nos sens par la surabondance des insignifiants.

Les esclaves modernes du « flux dirigé » (les personnes libres sont en voie de disparition) se représentent les artistes comme étant des personnes inaccessibles qui vivent dans un rêve, dans le privilège. Au-delà, dans les limbes, etc. Faux. Nous sommes nous les artistes en plein dedans, jusqu’au coup et même pire. Dans la faim, aux cœurs des conflits de l’humanité. Nous résidons et résistons dans le pire. Des résistants aux flux de destructions idéologiques massives. Les premiers humains sacrifiés des sociétés. Cela a toujours été comme ça. Les rapporteurs [2] et autres compilateurs des « mass médias » ont une fâcheuse tendance à déformer (reformer) la réalité des artistes, à détourner les témoignages d’actes artistiques (documents et œuvres d’artistes) à leur profit : uniquement pour raconter leur histoire romancée qui ne correspond pas avec celle de l’artiste. Le rapportage [3] sert à vendre du rêve inaccessible aux consommateurs : une activité publicitaire rentable, où l'artiste doit susciter l'admiration, mais pas son oeuvre incomprise.

N'est-il pas temps de sauver notre société qui sombre dans le mensonge généralisé ? la terreur absurde de manquer dans l'abondance ? C’est le paradoxe de nos sociétés riches : disposer de tout (de trop même) tout en ayant peur de ne plus disposer de tout, une attitude de survie dans la surabondance.

L’artiste authentique va chercher l’archétype. L’essence même de la vie dans son art. (Aujourd’hui nous sommes envahies par un flux massif de copieurs-d'artistes (easy copiing art flux) qui prennent la place des artistes authentiques au sein de notre société, cette invasion est une véritable épidémie, un virus qui trompe sur le sens même de l’art et le détruit, une activité qui trempe à tous les compromis. Ces nouveaux-faux-artistes qui ne pillent que l’aspect des oeuvres passées (rassurant les commanditaires terrorisés), du savoir-faire des anciennes générations d’artistes, pour en faire des recettes-à-applications-immédiates générant des copies-originales qu’ils marchandent très efficacement puisqu’ils s’emparent de toutes les opportunités du confort des esclaves (débordés) debordiens. Sans le savoir, ils détruisent les sens du sens de toute notre civilisation. C’est très grave, pour sa survie, ou pas : tout meurt. Cette attitude montre que la terreur est le moteur d’action : la peur absolue de la vie (de la mort) les fait rentrer dans une démarche de survie agressive et destructrice envers les autres. Quelle difficulté de ne pas parler de ces destructeurs inconscients et donc très puissants ! Ils ne sont plus parenthèsables, ils ne sont plus ignorables, car ils envahissent tous nos espaces vitaux, nos imaginaires collectifs, pour une proposition de vie hypocrite (dans le mensonge de soi). Le bouillonnement de l’affolement aux gestes contenus, de l’ironie pathétique insultante qui infecte les sens de panique. Les flatteurs.

Vais-je hurler à coup d’éthique ? Oui. La résistance du mauvais camp, celui où il ne fallait pas aller en guerrier de l’impossible ? Bravoure du chevalier cul-cul qui passe pour un enfant naïf et un idiot ? Quel est l’enjeu de défendre son précieux presque rien : sa civilisation ? La résistance à son anéantissement ? Non, la POSSIBILITE DU POSSIBLE. Volonté, lucidité, courage, générosité, curiosité, ténacité, résistance, intelligence, sens de la liberté = vertus des goûts de temps. Dégoûts, peurs et obscénités. Des outils à construire son oeuvre. Durant sa vie dure d’une durée d’existence vraiment très courte à l’élaboration d’une oeuvre parachevée. Obligé de faire avec. Gérer son temps à se consacrer ou le perdre. L’isolation pour l’approfondissement jusqu’aux limites des possibles. Et même au-delà.

En France, en tant qu’artiste, je suis étonnamment seul. Hé oh !… Il n’y a personne dans ma situation  ? à qui parler ?

L’espace propice pour développer sa création originale sans être « récupéré » est l’anonymat. Surtout ne rien communiquer. Rester inconnu. Pour ne pas être pillé-trahi dans le monde de l’hypocrisie. Surtout être patient, peut-être même au-delà de sa mort. Et attendre le moment propice, comme les Amérindiens pour se soulever, se relever : les rêveurs de toute façon se réveilleront (trompettes : tadaaa). A la date du re-mouvement des valeurs. Les antagonismes créent une force d’expulsion et. Tire la chasse d’eau pour évacuer. Le vide ne se ressent que dans une situation ultime d’oppression, c’est le lâché final de toute motivation à vivre (sous une torture extrême). L’ère du vide individualiste n’existe pas (c’est une propagande pour culpabiliser les esclaves modernes, de l’évolution incontrôlable de la situation) : la vision de la marche inexorable vers l’extinction (apocalyptique = spectaculaire) édictée du conditionnement (croyance) de la Bible. Le culte de la catastrophe. Fatalisme obligatoire du règne judéo-chrétien. Nous régnons toujours dans le catastrophisme biblique (pour téroriser les foules à obéir). Il faut que ça cesse, ce règne du modèle militaro-biblique. La peur ne crée pas le vide, mais l'obéissance. Le fait que le néant se néantise (le vide se vidange) montre qu’il existe puisqu’il se manifeste à l'idée, mais si le néant existe, il ne peut pas être néant. Il est quoi ? une idée. La révélation de la vérité est une curieuse sensation d’auto-pénétration de jouissance cérébrale. De facto. Une sensation d’évidence. Mais est-ce vrai réellement  ? Mais y a-t-il une raison de s’inquiéter (de la réponse) ? La vie offre de belles surprises pour celles et ceux qui se décloisonnent, qui ont le courage de vivre leur liberté.

La musique est censée s’écouter ? Y-a-t-il aujourd’hui un moyen de se faire entendre ? La question devrait être plutôt : par qui se faire entendre ? ou, pourquoi se faire entendre ? Quel est le but de se faire entendre, si personne, ne vous entend hurler ? Il y a toujours un moyen de se faire entendre : reste à savoir si les autres écouteront ? Il ne reste plus beaucoup de personnes éveillées qui s'entendent.

 

Quittons les capitaux les capitales, à la recherche des lieux abandonnés, hors du monopole culturel du pouvoir central des capitales, des hors-lieux à mettre en réseaux.

 

 

 

Notes.
[1] Dans le cas d’un artiste non souverain bien sûr. L’histoire des artistes-souverains serait l’objet d’un autre livre. Les artistes-souverains n’ont pas de limites à leurs créations que celle de leurs créations. Felix Mendelssohn, Raymond Roussel, Giacinto Scelsi comte d'Ayala Valva, etc.
[2] « flux dirigé » terme qui indiquerait l’aspect biologique de l’esclavagisme.
[3] dans le sens de : faire un faux rapport.

Sources bibliographiques.
Alain Badiou : « L’éthique, essai sur la conscience du mal » (édition Nous, 2003)
Baruch qu’il modifia en Benedictus (Benoît) Spinoza : « L’éthique » 1677
Italo Calvino : « Le chevalier inexistant » (éditions du Seuil, 1962)
Ray Bradbury : « Fahrenheit 451 » (éditions Denoël, 1955)
Witold Gombrowicz : « Ferdydurke » (Christian Bourgois éditeur, 1973 pour la trad. Fr.)

 

 

 


Contexte politique « intérieur » : l'intervention de l'Etat dans l'art : un culte inculte cruel

L'intervention de l'État dans l'art fonctionne comme un annihilant, le contraire fonctionne aussi : l'intervention de l'art dans l'État fonctionne comme un annihilant, mais ne le fait pas. L'art ne peut être administré par des tendances politiques de fausses idéologies du type « droite » / « gauche » le « pouvoir absolu des bourgeois » ou la « dictature du peuple » est la même chose, les deux faces d’une même pièce. L'artiste n'est pas administrable, il est libre (et ce n'est pas une raison pour vouloir le détruire, mais la « raison » est trouvée dans le contexte de l’oppression). Il n'est pas possible qu'un pays soit géré, pour son bon fonctionnement, par un état qui ne privilégie qu'une « classe sociale ». Les conséquences sont toujours désastreuses quand il n'y a pas de volonté d'équilibre. L'art est une activité libre par essence, lui retirer cette liberté c'est l'annihiler. Le pouvoir politique est trop puissant du fait que son attitude est reproduite jusqu'au plus petit de ses serviteurs. Son attitude monarchiste : où le pouvoir ne se réduit qu'à une seule personne. Il ne peut pas soumettre une direction de « bon goût » pour un art qu'il juge diffusable au risque de détruire les autres. Il annihilera la créativité et l'audace de ses artistes « officiels du bon goût » et générera une résistance « underground » d'artistes insoumis au « bon goût » du pouvoir. C'est ce qui se passe depuis la fin des années 1970. Le public majoritaire ne voit et n'entend que du « bon goût » dicté par l'État. Nous vivons plus d'une trentaine d'années de censure. Une censure tellement insidieuse qu'elle se faufile dans l'esprit même de nos entourages, de nos amis. Un « système totalitaire positiviste » mais certainement pas une démocratie (pouvoir du peuple), le peuple dicte sans rien dire, les lois viennent du pouvoir élu ? Le pouvoir n'est pas élu, il demeure... par l'Administration. Ils se sont et nous ont piégés avec de bonnes intentions [1]. J'ai connu Maurice Fleuret avant qu'il ne devienne Directeur de la Musique dans le gouvernement Mitterrand en 1981. Son esprit vif et passionné de musique, défenseur des musiques d'avant-gardes n'a pût sauver le processus d'écrasement des libertés créatrices [2].

Les subventions de l'État octroyées à des associations « d'actions culturelles » ont transformé ces associations en organismes d'animation « d'art accessible » = de l'art sans substance, du divertissement (au sens de la diversion) : pour faire de l'éducation aux « électeurs incultes » ? Comment l'Etat a-t-il pu avoir l'audace de considérer que la majorité de ses électeurs soient incultes ? Sur quels critères se base-t-il pour croire ça ? Pense-t-il que les Parisiens soient plus cultivés que les campagnards ? La curiosité du parisien est blasée, il a un faux savoir uniquement pour briller dans les mondanités. Le campagnard a lui au moins la curiosité pour l'art vivant. L'intelligence de l'art subventionné a régressé pour se mettre au niveau de la politique culturelle de penser que la population française est débile et qu'il faut l'éduquer.

La structure hiérarchique de l'État, par la subvention, décalque sur le schéma des organisations associatives financées par l'État. Les associations subventionnées sont le bout des tentacules du pouvoir. Elles sont liées au système de l'Administration sans en faire partie (les membres de l'association ne sont pas des fonctionnaires, mais ils agissent comme tels) et donc soumises au bon vouloir de celle-ci. L'argent de l'État est tellement conditionnel et ne sert en aucun cas la liberté de création. L'effort demandé par l'État pour recevoir cet argent conditionnel, la subvention, est inapproprié pour un artiste. L'artiste n'a pas le bagage du jargon et des attitudes administratives. Deux langues se rencontrent et ne se comprennent pas. C'est là où l'argent conditionnel de l'État a financé un nouveau métier : l'Opportuniste de la Subvention. L'OS s’est éduqué aux manières administratives et fait en sorte de remplir toutes les conditions exigées pour recevoir la subvention. Les OS malheureusement se prétendent être artistes, ce que croit les fonctionnaires de la culture incultes artistiquement. Les OS sont les faux artistes de l'État qui ont les compétences du décorum et qui satisfait tous les partis. Le problème réside dans le fait que ces faux artistes ne sont pas reconnus en dehors de la France, alors le service AFAA (Association Française d'Actions Artistiques [3]) se met en marche et exporte ses faux artistes. Mais « la poudre aux yeux » ne fonctionne pas pour certains critiques d'art étrangers : depuis les années 1980, remarquent-ils, il n'y a plus d'artistes majeurs français dont son travail est respecté à l'étranger.

L'État ne devrait pas s'ingérer dans les affaires de l'art. Pour la simple raison qu'il lui ôte sa substance basique de création : sa liberté. Le pouvoir de l'État reste trop monarchiste (chez les rouges comme chez les bleus et même les autres) il ordonne des politiques (des souhaits) qui ne sont pas applicables dans la réalité du pays, et qui malgré sa volonté ne s'appliquent pas. Exemple, l'éducation musicale : ce n'est pas en donnant des moyens financiers qui sont plus ou moins dilapidés à des écoles de musique qui fera élever le niveau des élèves de cette école : cette proportion argent/talent ne fonctionne pas. En premier lieu c'est la qualité du professeur, ce qu'il propose et ce qu'il enseigne et comment, qui fera que l'élève progressera ou non. Mais cela dépend aussi de la motivation de l'élève et s'il veut progresser ou non, s'il est à sa place ou non. Mais les études pour être professeur sont rétrogrades et ses diplômes obsolètes du type CAPES et autres. L'Administration ne peut avoir qu'une vision statistique de son pays. Le fait qu'il subventionne hiérarchiquement est un leurre pour une politique de développement de l'éducation. L'éducation c'est d'abord un prof et un élève, un maître et un apprenti. La structure enveloppante et contrôlante ne vient qu'après et n'est pas nécessaire à l'acquisition du savoir. Contrairement à ce que pensent certains personnages « politiques de la culture », le niveau de la musique en France est une pure catastrophe. En tant que compositeur « explorateur » je ne trouve pas de musiciens de talent en France pour réaliser mes musiques. Je suis obligé de passer par un long réapprentissage des connaissances acquises du musicien. Le niveau est lamentable ne serait-ce que par rapport aux autres pays européens.

L'ingérence de l'État dans l'art n'a provoqué que l'annihilation insidieuse de celui-ci au regard d'un public globalement qui ne s’en est même pas rendu compte. Si l'État veut financer l'art, qu'il le finance avec impartialité sans condition de façon quantitative ou qu'il ne finance rien du tout. L'art officiel d'une politique totalitaire n'a rien à voir avec l'art. L'État ne peut pas s'approprier l'art : la décision de savoir, qui est artiste et qui ne l'est pas : personne n'en a la compétence, je dis bien personne. Dans cette envergure, autant ne rien faire quand on ne sait pas. Mais l'arrogance est un ennemi terrible en politique et crée des désastres surtout quand on est persuadé de faire le bien. Les artistes sont les producteurs du « patrimoine de l'humanité », la plus grosse richesse économique de notre planète. Pourquoi la majorité d'entre eux ne sont jamais reconnus de leurs vivants et relégués dans la pauvreté ? Est-ce par l'inculture des administrés au pouvoir ? Quelle est cette volonté historique d’incompétence ?

Le projet des gouvernants de démocratiser l'art est un projet insultant pour les gouvernés. Cela signifie que le pouvoir pense a priori que le peuple est débile et doit mettre l'art à sa portée. À moins que cela soit un prétexte pour réaliser un projet individuel des gouvernants ?* Les individus du peuple ne peuvent pas se mettre à la portée de l'art eux-mêmes ? Le peuple n'est pas une masse informelle sur laquelle le gouvernement applique ses doctrines, ce qui est malheureusement le cas. Comme le coutre ou le soc d'une charrue qui laboure ou défonce la terre (le peuple) pour la cultiver (l'éduquer et l'endoctriner). Il ne pense pas que tous les individus formant le peuple ont des expériences uniques de la vie. Les effets montrent qu'il n’en est rien. Les gens n'ont aucun besoin d'un commandement du pouvoir pour faire ce qu'ils ont à faire. Tant que chacun ne déchoit pas dans la misère et dans l'ennui. À moins que le projet des gouvernants de démocratiser l'art soit que tout le peuple se réclame artiste, que tout le monde peut être un artiste, et pourquoi pas être un politique (pour organiser la cité) ? La démocratisation de la politique aux gouvernés : n'y a-t-il eu de tel projet des gouvernants ? N'est-ce pas une drôle d'idée de lâcher cette propagande que tout le monde peut être artiste ? N'est-ce pas, par là même dénigrer le travail des artistes eux-mêmes ? Considérer leurs oeuvres d'accès difficile (à comprendre) mais « facile à faire » et donc tout le monde peut le faire : « être artiste ». Si tout le monde peut le faire, « ça » perd sa valeur. Le projet de « démocratiser l'art » porte un coup fatal à l'art contemporain : celui de dénigrer les artistes et leurs oeuvres. Était-ce le projet du gouvernement de tuer les artistes vivants de leur pays (dans le sens où ils ne sont plus regardés et perçus comme des escrocs) ? Et d'être une des causes de la médiocrisation de l'art. La position des artistes a été saisie par les flatteurs [4]. Les flatteurs, imitateurs d'artistes, règnent dans notre monarchie républicaine élue par le peuple : démocratie (nom féminin) « État de société qui exclut toute aristocratie constituée, mais non la monarchie. On dit en ce sens : la France est une démocratie. » (le Littré) c'est-à-dire une monarchie républicaine élue par le peuple. « Si le peuple ne réclame pas, vas-tu réclamer pour le peuple ? » Quel est ce droit d'imposer aux autres (environ 60 millions de personnes) ton projet personnel ? Vouloir pour les autres, n'est-ce pas superficiel pour soi-même, le bouche-trou d'un vide de soi, la fuite de ses projets sur soi ? Vouloir pour les autres est-ce le justificatif d'une position sociale et salariée ? Est-ce pour se détourner de sa propre inutilité ? Les personnes publiques sont des personnes qui se sentent inutiles pour soi, et ont besoin des autres pour refléter leur image existante. Pour se sentir exister, ils vont accomplir des exploits pas vraiment nécessaires à leur image du pouvoir. *La construction pour le politique a toujours été l'expression de l'assise de son pouvoir. Le bâtiment reste, et est respecté (oui !), alors que le politique meurt. Le summum est de construire des bâtiments pour l'art. Tous les présidents, empereurs ou souverains ont fait construire, surtout depuis le XXe siècle, des bâtiments pour l'art. Même les milliardaires privées font la même chose ! Quelle est cette mystérieuse attraction de l'art ? Certainement pas d'être attractif (une attraction : curiosité distractive), alors pourquoi cet intérêt d'être entouré d'art ? Le savent-ils eux-mêmes ? Tout en voulant détruire les artistes. Un paradoxe incroyable pour des gouvernants intelligents. Le viol du bon sens ne crée que de la souffrance.


 

Contexte politique « international » : l’enjeu hégémonique de la musique libérale

La musique est le premier P.I.B. (produit intérieur brut) américain. Grâce à la création hybride du blues par les esclaves Noirs-Américains, les Blancs-Américains ont réussi à créer l’exaltation de la musique américaine à travers le monde, principalement destinée à la jeunesse, sur le modèle anglais. Les Américains arrivent à focaliser l’intérêt planétaire sur leur musique parce qu’il s’adresse à la jeunesse. À chaque génération, la jeunesse a besoin de s’identifier à un nouveau courant musical rebelle au précédent. Le renouvellement acquis d’un produit est une manne économique gigantesque. Les moyens financiers et de savoir-faire techniques investis sont au prorata des résultats obtenus : leur musique est devenue une arme pour l’américano-phonisation du Monde. La guerre totale de la jeunesse passe par la culture de leur musique et de son industrie. C’est une nation qui donne les moyens à sa jeunesse d’être les soldats de leur culture planétaire. Cette production est destinée principalement aux grandes villes et à l’international, car la majorité des Américains blancs écoutent de la « country » locale et non exportable contrairement à la majorité des Anglais. Face à cela, comment réagissent les autres jeunesses des autres cultures (nations) à cette invasion ? Ils ne résistent pas, ils ne veulent pas résister, ils adhèrent, ils copient, et c’est la copie qui collabore et contribue à l’invasion de la musique américanophone. Les autres cultures sont débordées aussi par le savoir-faire pragmatique des Américains sur le modèle anglais : les moyens de la distribution planétaire. La force de conviction, les Américains la puisent dans la frustration d’être un pays sans Histoire culturelle contrairement à l’Europe. L’Amérique est un adolescent en crise contre ses parents et qui aime la musique. Elle a la force de la jeunesse et l’Europe est fascinée par son rejeton : la nation des avant-gardes et de tous les espoirs. Le résultat est foudroyant. Est-il volontaire ? Une expression planétaire de la jeunesse à chaque génération à travers la musique : quel est le pays dans le Monde qui écoute musicalement sa jeunesse ? Il n’y en a qu’un : les Anglo-américains. Aujourd’hui cette tendance est de moins en moins vraie. Le monopole mondial des trois maisons de disques [5] a tendance à vouloir fabriquer une musique propagandiste et donc artificielle pour les nouvelles générations : erreur. La jeunesse éveillée se détourne des systèmes de distributions de musiques monopolisées, car elle ne retrouve plus son identité à travers ce que les « majors » lui proposent. Elle s’organise autonomement en réseau parallèle pour profiter de sa musique. Elle n’a plus besoin des monopoles de l’industrie du disque. Les musiques des nouvelles générations commencent à déborder ses contenants de distribution industrielle et technologique comme le disque et la « sonorisation-monopolisante » [6] qui sont des contenants chers et encombrants. Aujourd’hui, la jeunesse écoute la musique dans des lieux quasi clandestins et de son ordinateur : elle n’a plus le culte du disque-objet et de la chaîne « Hi Fi » (Haute Fidélité), mais utilise des fichiers informatiques jetables (pas fidèles). Le monopole de la musique risque de se démanteler et les microréseaux de distribution se développer : la guerre a déjà commencé.

 

 

Contexte Administratif : les fonctionnaires savent, mais se taisent

Les fonctionnaires savent que : l'Administration est infectée par l'idée de la rentabilité, et que l'idéologie bourgeoise a ouvert la porte au virus du capital. Pour l'art : l'Administration ne subventionne que les projets artistiques qui déjà gagnent de l'argent : comme une banque qui ne prête (endette) qu'aux personnes solvables (les riches n'ont pas besoin de prêt). Les ministères publics se comportent comme les banques privées bien qu'ils n'ont rien à voir avec elles dans leur fonctionnement. L'argent public ne sert pas la communauté, les nécessités communautaires, mais sert des intérêts privés des membres du gouvernement qui ne servent que leurs propres intérêts dans le jeu du capital : celui du luxe et de la publicité pour le prestige. L'Administration de la culture en France se comporte comme une banque qui octroie des subventions sur dossier de financement d'artistes déjà présent dans le rendement économique rentable, c'est-à-dire, d'artistes qui n'ont aucunement besoin d'argent pour créer leurs oeuvres, même bien au contraire : qui en ont trop. L'argent public ne finance que les artistes qui ont déjà acquis un succès et qui le prouvent par une balance budgétaire positive et même aux revenus conséquents. Le contrat sous-entendu entre l'État et l'artiste est : « je te donne de l'argent et en retour tu me donnes du prestige ». Ce système dispose de l'argent public comme d'une propriété privée au profit des gouvernants. Les consignes politiques d'octroi de subventions sont claires : « distribue l'argent public à ceux qui disposent déjà d'un capital investi. Ne donne jamais aux artistes pauvres ou rebelles de peur qu'ils dilapident la subvention sans nous retourner une image positive et prestigieuse de notre politique au pouvoir. » : voilà la logique de la médiocratie des arts, le critère de choix n'est pas le talent artistique, mais son taux d'accumulation de richesses monétaires, « preuve de son succès ». Le succès pour un politicien à idéologie bourgeoise (enrichissement et avarice) ne peut qu'être économique dans un système basé sur la rentabilité monétaire : le bourgeois politique doit être rentier avec un taux le plus élevé possible (ministre un jour rentier à vie). Au pouvoir, le bourgeois ignare en art ne peut se baser que sur son critère de valeur : le succès par l'argent : la valeur ultime pour l'idéologie bourgeoise : propriétés privées et surenrichissement personnel comme preuve de succès dans le jeu du capital. Oui, mais pas pour l'art : la valeur ultime de l'art n'est pas le succès par l'accumulation d'argent. L'art ne se monnaye pas, l'escroquerie du divertissement oui. L'idéologie bourgeoise de certains artistes innommables abusent de la naïveté de leurs « clients » pour s'enrichir personnellement : ce sont des traitres de l'art : leur faux succès ne s'est pas constitué au prorata de leurs talents, mais à celui de la propagande des gouvernants : un arrangement d'intérêts privés. L'argent public est investi dans l'économie privée d'une entreprise masquée en « association de loi 1901 » : une extension privée de l'Administration (avec des non-fonctionnaires souvent sans salaire) qui paye l'artiste (souvent l'artiste se paye lui-même quand il lui reste de quoi se payer) : l'État ne paye pas l'artiste, l'État octroie des subventions : il achète de la publicité à très bon marché. Comment guérir l'Administration publique du virus de la rentabilité privée ?

Comment guérir l'Administration publique du virus de la rentabilité privée ? Instaurer une loi pour ne pas payer ses impôts en cas d'abus du gouvernement. Créer une TVA libre : comme un pourboire. Supprimer les rentes des gouvernants qui ne sont plus au pouvoir et tous les avantages des gouvernants au pouvoir. Réduire les salaires des gouvernants au SMIC. Pour gouverner, il faut être pauvre : ce qui supprime d'un coup les intrigues d'intérêts qui polluent les décisions de l'État : les pots-de-vin. Le pot-de-vin pour un contribuable est une insulte. Supprimer le ministère de la Culture et toutes ses ramifications de financement de projets « culturels » (qui n'est que de la publicité pas de l'art) pour une Caisse Publique des Artistes où chacun pioche selon ses besoins. Il n'est pas possible que l'argent public puisse financer du divertissement privé où l'accès est soit interdit soit payant, destiné à entretenir le prestige politique au pouvoir d'une image faussement généreuse : financer de la publicité masquée qui glorifie le gouvernement. L'artiste n'a pas besoin du gouvernement pour montrer son art. L'argent ne peut empêcher l'artiste de montrer son art. Mais il crée des territoires du privilège. Pourquoi l'argent public finance les arts ? N'est-ce pas pour que le public puisse avoir un accès gratuit aux oeuvres ? Mais ce n'est pas le cas : le public paye deux fois : 1. avec ses impôts et 2. le billet d'entrée. Quand le contribuable est insatisfait, il doit se donner le droit de refuser de payer ses impôts. Il doit envoyer, à la place de sa feuille d'impôt, une lettre avec ses arguments incontestables (comme pour les factures abusives). Tous et non pas une minorité gouvernante, doivent protéger leurs intérêts, pour l'équilibre des satisfactions mutuelles et contradictoires.

Les fonctionnaires tout en s'efforçant d'oublier, travaillent avec la honte de tromper son prochain. Ils savent et les innocents ne savent pas. Que l'argent public est déjà distribué dans le réseau déjà constitué. Par ceux qui ramassent ce qui ne devrait pas leur être dû. Les fonctionnaires obéissent dans la honte pour garder leurs salaires. Pour leur « sécurité » de l'emploi de fonctionnaire. Ils se taisent constatant la tromperie organisée dont ils sont les outils qui s'interdisent de réagir à l'escroquerie du gouvernement, leur employeur. La honte d'un fonctionnaire ne se réveille que par la prise de conscience de la provenance de son salaire, de sa rémunération : son salaire n'existe que par les donations des contribuables, où le bienfaiteur du fonctionnaire est trompé.

 

 

Notes

[1] en plus des aberrations suivantes : mettre des compositeurs de musique académiques à des postes de présidents, créer des postes de fonctionnaires dans « le culturel » pour des candidats n'ayant aucune notion de l'art puisque formé dans les écoles d'administrations, renforcer les institutions de musique académiques, vouloir subventionner la musique populaire, et tellement d'autres initiatives à côté de la réalité qui ont détruit la création de musiques originales en France.
[2] par contre, Maurice Fleuret a réussi à créer sa « fête de la musique » du 21 juin de chaque année qui est devenu une grande liesse populaire et qui a été adopté par d'autres pays. Mais à 2 heures du matin (horaire limite de la fête), les CRS font le nettoyage (souvent violent : destruction d'instruments de musique et blessures physiques) des musiciens amateurs ou résistants qui ne veulent pas aller se coucher. Le débordement public a des horaires.
[3] Organisation fondée pendant le colonialisme en 18.. pour exporter la culture française aux pays colonisés. Aujourd'hui nommé Cultures France, elle organise principalement des échanges officiels entre pays : fête de la France de tel pays et Année de tel pays en France : célébration de « prestige » d’autocongratulation. Ces budgets sont colossaux, financés par le ministère de la Culture affaires étrangères. Un exemple, la Fête de la France au Québec en 2001 était d'un budget de 45 millions de francs. (source : ministère de la Culture affaires étrangères).
[4] Nicolas Machiavel « le prince » chapitre XXIII comment on doit fuir les flatteurs : « Si d’un côté, les gouvernants aveuglés par l’amour-propre ont peine à ne pas se laisser corrompre par la peste des flatteurs, de l’autre, ils courent un danger en la fuyant : c’est celui de tomber dans le mépris. Il n’ont effectivement qu’un bon moyen de se prémunir contre la flatterie, c’est de faire bien comprendre qu’on ne peut leur déplaire en leur disant la vérité : or, si toute personne peut dire librement à un gouvernant ce qu’elle croit vrai, il cesse bientôt d’être respecté ». Les gouvernants sont ruinés par les flatteurs.
[5] Les 3 « majors » Universal (franco-américain), Sony-BMG (japono-allemand), et EMI (anglais) détenues par les cinq nations les plus riches de la planète.
[6] j’appelle la « sonorisation monopolisante », une débauche de technologie chère et compliquée destinée à un mode de diffusion de masse inaccessible à la jeunesse organisatrice.

Bibliographie
Anne Veitl et Noémi Duchemin « Maurice Fleuret : une politique démocratique de la musique » (Comité d’histoire du ministère de la Culture, 2000)

 

 

 

Contexte historique : culture de la scission : le savant contre le populaire : un clivage pas encore obsolète

Ne se confondent pas nouvelles musiques et musique nouvelle (populaire et savante)

Les nouvelles musiques renouvellent les stocks de disques [1], ça sonne différent pour séduire les générations adolescentes successives. Les adolescents sont le plus grand potentiel d'achat des « tranches » de consommateurs : ils construisent leur identité sur le courant de comportement de la consommation de la mode. Le cinéma a découvert avec le film Titanic (1998) que le potentiel de vente aux adolescents était de 80 milliards de dollars pour une production cinématographique [2]. Vu le potentiel, aujourd'hui ces modes sont construits de façon artificielle, c'est-à-dire : pas par la jeunesse elle-même, mais par les entreprises commerciales concernées (de la musique, du prêt-à-porter, de la technologie, du cinéma) où auparavant, elles récupéraient ces modes à leurs profits sans qu'elles puissent les contrôler. Par exemple, le courant idéologique puis la mode hippie a fait vendre un nombre incroyable de disques vinyle et de jeans, ou le courant idéologique et la mode punk qui a généré la « grande escroquerie du rock’n roll » [3] : les Sex Pistols, un groupe de musique à l'image ultra rebelle qui a été plus forgée comme un produit de vente, qu'à exprimer la rage authentique de la jeunesse à cette période de la fin des années 1970. Cela a montré qu'un produit même « rebelle » pouvait être un excellent produit de vente et tromper sa clientèle pour des profits vertigineux. Aujourd'hui le R&B (pas le rhythm’n blues, cela porte le même nom, mais ce n’est pas la même musique) est un courant totalement artificiel, car sans idéologie (sauf celui d'être beau et riche), conçut par les majors où les produits sont vendus en masse aux adolescents de cette génération. L'obsolescence sera planifiée pour qu'une nouvelle musique puisse prendre la place du R&B pour la nouvelle génération. La nouvelle génération adolescente ne s'identifiera jamais dans la musique enregistrée qu'écoute leurs aînés : chaque génération est rebelle à la précédente. Les musiques (et les autres produits de la mode) dans ce contexte sont toutes vouées à l'obsolescence planifiée et rentre dans la catégorie « revival » pour les générations vieillissantes qui restent des clients potentiels à la nostalgie de leurs identifiants musicaux de leur adolescence. L'émotion difficilement contrôlable, et le paradoxe entre la reconnaissance du caractère individuel de chacun et le désir ethnologique de groupe aux mêmes désirs, de l'adolescent/e est un excellent véhicule à la manipulation propagandiste commerciale (quand on se cherche, il y a toujours un gourou pour nous guider) : il suffit de leur proposer plus de produits finis et très peu d'outils qui puissent les rendre indépendants du rôle de consommateur. La nouvelle musique est liée à un processus de renouvellement des stocks pour que reste actif le potentiel d'achat : la nouveauté est un procédé essentiel dans le commerce pour solliciter constamment le désir d'acquérir et de consommer, du client. La fonction des nouvelles musiques est d'être vendu en masse pour s’enrichir de pouvoir. Les nouvelles musiques aujourd'hui n'ont rien de nouveau que leur apparence : la sonorité et l'attitude (gestuelle du clip vidéo). « Un nouveau produit pour qu'il soit intégré rapidement et consommé massivement ne peut détenir de plus de 20% de sonorités nouvelles ». Il est à constater une exception à la règle : c'est la longévité du rap/hip-hop où deux générations successives et transnationales y retrouvent leurs valeurs rebelles (la seule musique aujourd'hui où existe encore une idéologie : celle sommaire d'être « contre » et paradoxalement, tout en exploitant les biens (faits) de la société de consommation).

La musique nouvelle, qui a tendance depuis la fin des années 1970 à se faire oublier dans le processus envahissant des (nouvelles) musiques de vente, s'attache à faire évoluer les systèmes concepteurs de la musique. Sa fonction n'est pas la vente immédiate en masse (malgré certaines confusions de la part de responsables de festivals ou autres institutions), mais l'exploitation de l'intelligence afin de la développer à travers l'écoute [4]. La musique nouvelle ne peut pas être consommée dans l'assouvissement immédiat d'un besoin. Elle reste d'un accès plus lent (pas plus difficile) et d'une tolérance plus large générée par la curiosité. La musique nouvelle touche le désir pas le besoin. Elle est sensée aussi durer plus longtemps dans l'histoire de l'humanité occidentale et rejoindre dans le patrimoine, la masse de connaissances humaines. Il ne peut y avoir de processus d'obsolescence planifiée pour la musique nouvelle au risque de vider le sens de l'existence des médiathèques qui sont censées proposer des outils à la réflexion dont la musique fait partie. Depuis deux décennies, un ralentissement flagrant de l'imaginaire poétique des compositeurs de musique nouvelle s’est affirmé. La pénétration irréversible de ces compositeurs savants dans l'anonymat les a fait réagir, pour certains à embrasser l'attitude académique (pour être quand même entendu) ou essayer de forcer la notoriété (la reconquérir) par quelques mariages abscons pour ne pas se faire oublier. L'ancienne génération, celle de l'âge d'or des années 1960, a pris un mauvais coup et il ne reste aujourd'hui que des icônes, d'une tentative historique isolée, de renouveler la musique occidentale dans son fondement (ces compositeurs pour certains sont encore vivants !). Ces mêmes compositeurs qui ont affirmé la musique nouvelle (nommée aussi musique contemporaine) dans les universités et les institutions ont bloqué le processus de passation à la génération suivante. Elle a bloqué tous les accès : à l'édition de partitions, à la publication de disques, à la diffusion des concerts, à la recherche expérimentale. Ce phénomène particulier reste encore inexpliqué aujourd'hui (début du XXIe siècle) et même tabou dans certains milieux universitaires et institutionnels. L'agonie de la musique nouvelle n'est qu'une réalité médiatique de l'ancienne génération. Une autre musique nouvelle, non médiatisée, « underground », est née au début des années 1980, créée par cette génération sacrifiée de compositeurs inconnus. Cette musique nouvelle qui n'a pas encore vraiment émergé de son anonymat (presque trente ans d'anonymat !) n'a pas hésité à créer dans la plus grande liberté et sans aucun moyen, des musiques inimaginables. Certaines sont définitivement perdues (artistes décédées, oeuvres disparues) d'autres nous l'espérons, retrouvables (artistes encore vivants, conservation des oeuvres). Des mélanges incongrus, qui moralement étaient devenus impossibles à la génération agonisante réfugiée dans l'académisme institutionnel du « bon goût » [5], se sont développés dans de multiples pratiques de l’expérimentation permanente par des artistes sans préjugés de la génération tenue dans l’ombre.

 

la musique technologique |propos1|
nouvelles musiques et musique nouvelle confondues :
un populaire savant ? plutôt qu' : un savant populaire ?

La fin des années 80 voit l’émergence d’outils informatiques dédiés à la musique et surtout accessibles de plus en plus aux artistes démunis, plus dans les années 90 et plus encore aujourd’hui. Si les synthétiseurs ont enrichi la palette des timbres du son, les dispositifs numériques ont permis aux musiciens de concevoir de nouvelles façons d'organiser ces sons. La musique par ordinateur ajoute des possibilités musicales irréalisables autrement [6]. Cette disponibilité de moyens technologiques va bouleverser le paysage musical : la musique technologique n’est plus la chasse gardée de certains privilégiés comme dans le passé. Elle s’est popularisée, une grande majorité occidentale peut y accéder. Elle a généré de nouvelles « avant-gardes » par une profusion de musiques inventives avec le matériau son numérisé. Bien que certains artistes « populaires » se sont aventurés dans des domaines à la limite de l’audible [7], les musiques électroniques ne se sont jamais éloignées de leur public. Elles couvrent à la fois les domaines de la musique de divertissement et de la musique intellectuelle [8], avec un public qui a le potentiel de passer d'une écoute superficielle festive vers une écoute en profondeur : le « deep listnening » nécessaire à immerger son intelligence dans le son. Il n’y a pas de différence de classe entre une rave festive [9] et des performances plus intellectuelles [10]. Les volumes sonores générés par les musiques électroniques sont généralement puissants et cela rallie la musique pour le corps qui bouge (body music, ici de vrais massages sonores par des sons graves surpuissants), avec la musique pour l’esprit (mind music) [11].

 

 

Notes.
[1] les supports se suivent et ne se ressemblent pas : vinyle, cassette, CD, DVD, lecteur mp3, mais nous utilisons le terme générique « disque » pour identifier le désir commercial de disposer de la musique enregistrée à la vente.
[2] article paru dans le Houston Times en 1998 (à vérifier)
[3] qui reste encore aujourd'hui un produit de vente comme la « grande escroquerie du rock and roll » : « wow, ils l'ont fait ! »
[4] Cette musique nouvelle n'est pas forcément sérieuse, malgré que beaucoup de compositeurs se prennent malheureusement très au sérieux et malgré que les Américains la nomment aussi « serious music ». Le moins sérieux est le père de sa révolution : John Cage (voir la première remarque).
[5] les moyens technologiques mis en oeuvre dans ces instituts n'étaient pas au niveau de leur utilisation : de gros moyens, mais à l'utilisation obsolète par une connaissance réduite.
[6] Je pense aux orchestres virtuels de clones qui se déplacent dans l’espace tridimensionnel de The Lamplayer & The Machines.
[7] pour les plus diffusés, écouter Autechre qui déstructure le continu, Ryoji Ikeda qui fait interagir des sinusoïdes générant une musique où le battement est l’élément variant.
[8] écouter Strange Night With Myster Shadow-Sky (1994)
[9] des Spiral Tribe par exemple
[10] des Granular Synthesis ou des Farmers Manual par exemple
[11] qui dans les nouvelles musiques et la musique nouvelle, restent distinctes.
[11] Le projet Shadow-Sky-Teub-System (1994) utilisait des impacts surpuissants qui se déplaçaient rythmiquement dans une quadriphonie, mêlés à un contrepoint de spirales d’agrégat de sons sinusoïdaux et de métaux tournants. Ajouté à cela : des fenêtres de bruits de souffles pour apaiser les sensations de claustrophobies générées par les sons sinusoïdaux puissants qui sont inspatials : sans espace contrairement à tous les autres sons.

Définitions.
_obsolescence (n. f.) 1958. mot angl. (1828), du lat. obsolescere « tomber en désuétude » . Spécialt (Écon.) Pour un bien, fait d'être déprécié, périmé pour des raisons indépendantes de son usure physique, mais liées au progrès technique, à l'évolution des comportements, à la mode, etc. (le Petit Robert 2001)
_planned obsolescence : l'obsolescence planifiée pour que les nouveautés musicales et les disques puissent se vendre. (in Radocy & Boyle: Psychological Foundations of Musical Behavior 1979, 1988, 1997)
_consommer : Action de faire des choses un usage qui les détruit ou les rend ensuite inutilisables.
_consommer : Écon. Acquérir un bien, un service pour satisfaire directement un besoin.
_Biens de consommation : biens dont l'utilisation détermine la satisfaction immédiate d'un besoin.
_Biens : Écon. Choses matérielles qui procurent une jouissance

Remarques.
(1)« Ceux qui se prennent trop au sérieux, sont ceux qui ne maîtrisent pas leur sujet ou leur objet ou leur art, c'est pour cela qu'ils se donnent cette attitude autoritaire inébranlable qu'est le sérieux : pour que les autres ne percent pas à jour leur ignorance : mais pourquoi avoir honte de son ignorance ?» (auteur non identifiable)

 

 

 

contexte économique : l'art et la consommation
un mariage déséquilibré : la crise du financeur le mépris du dictateur

Un produit inconnu pour un publicitaire ou un entrepreneur est un produit inexistant : pire que la mort d'un produit connu qui est encore un évènement publicitaire médiatisable. Pour sortir un produit inconnu de l’inconnu, il faut déployer une stratégie commerciale assez coûteuse qui est proportionnelle au niveau de connaissance publique désirée du produit : local ou international. L'angoisse du créateur urbanisé d'aujourd'hui réside plus dans le fait que son oeuvre soit existante, c'est-à-dire connue, que dans le concept de l'élaboration de l’œuvre elle-même : ce qui génère un type particulier d'objets d'art : des oeuvres qui tendent à devenir des biens consommables, faisant appel aux formes du passé sans leur contenu, c'est-à-dire des objets éphémères, monnayables, à jouissance immédiate et faisant référence à une période passée connue, donc rassurante pour un consommateur. Il y a toujours une odeur de survie dans la panique... En quoi des oeuvres rapides et sans impressions qui se focalisent sur la jouissance matérielle immédiate contribueraient-elles au déclin de l'art ? N'est-ce pas plutôt la fin d'idéaux qui passent comme des courants, dont chaque génération d'artistes s'attache par affinité et qui lui a donné le sens de sa création ? Les valeurs de la musique savante de sa naissance jusqu'autour de l'année 1980 ne sont plus les valeurs de la musique encore savante à partir de 1980. Il n'existe plus de développement de la musique, mais l'exploitation de celle-ci à des fins de satisfaction immédiate d'un besoin. Je parle du courant majeur qui étouffe les autres, pas des pôles de résistances multiples et inconnus. Aujourd'hui les recherches musicales sont (presque) oubliées, devenues inutiles à la marche économique « dévastatrice » : être rapidement connu pour gagner sa... vie. Ma vie je l’ai, je ne suis pas mort, je n’ai pas besoin de la gagner : c’est une croyance d’esclave. Le besoin est la sensation basique de la survie : le besoin de manger, de boire, de dormir, d'uriner, de déféquer, etc., si ces besoins ne sont pas satisfaits : nous mourrons. L'urgence règne dans le besoin, la survie règne dans l'urgence et dans la survie règne la terreur de la mort. L'Occidental aujourd'hui est terrorisé par abus de consommation : de focalisation sur la satisfaction immédiate de besoins fabriqués, à coup de slogans « matraqués » [1], image artificielle de son meilleur des mondes. La surconsommation crée des vides qu’il faut combler de plus en plus fréquemment. Une suite de besoins inassouvis tend à la destruction de soi : un suicide lent. Nous sommes tous des drogués accros aux produits qui ruinent notre propre santé, mais avec la terreur absolue de mourir. Des clients morts ne sont plus des clients : mieux vaut qu’ils soient malades que mort, et absolument les maintenir en vie : euthanasie et avortement sont interdits dans la majorité des pays, à besoin de clientèle. La visibilité à tout prix du public est née de cette peur d’inexister pour les autres et de disparaître pour soi dans les vides omniprésents et non identifiables. Il faut se rendre visible : « voit Moi, imprègne-toi de Moi, Je suis là devant tes yeux et Je veux rentrer dans ta tête pour que tu ne m'oublies jamais et que tu ne peux plus te passer de moi » : le message multimédia qui surcroît et accroît la popularité de la vente du produit-soi visable, est aujourd'hui l'art majeur. En plus de la terreur de mourir, nous avons la terreur de ne pas être aimés. Cet art majeur à consommation immédiate qui étouffe les autres tellement il prend de l’espace médiatique et de l’espace vital aux gens : « aime-moi s’il te plait ». Les individus qui circulent par milliards sans frontière dans l’espace électronique d’Internet avec des machines de plus en plus miniaturisées, et où l'échange d'informations du type : « où es-tu ? » et « qu'est-ce que tu fais ? », etc., est l'activité principale à travers l'affichage électronique : « je ne suis mue que par ma publicité, car je dois consommer mon modèle du bonheur » qui passe par : « si tu ne me vois pas, c'est que je n'existe pas ». Le succès planétaire des hébergeurs de blogues [2] en est l’illustration. La terreur de la non-existence face à une suractivité sociale environnante déclenche une panique existentielle. Il a fallu trouver un bouc-émissaire illusoire à cette terreur occidentale due à notre surconsommation (l'abus de satisfactions immédiates) pour que l'on puisse croire au soulagement par l'explication de notre terreur inexplicable : « pour être terrorisé il faut des terroristes », les terroristes sont d'excellents acteurs de l'évènementiel pour les mass media (se sont les plus spectaculaires), puis : « pourquoi ne pas aller les former chez nos éternels ennemis : les Arabes qui attaquent nos valeurs judéo-chrétiennes ? ». « Parfait, le montage est crédible et devrait sauver nos surproductions », mais pas nos mal-être. L’art s’apprécie, il ne se consomme pas, il ne satisfait pas de besoin immédiat. Il faut du temps pour apprécier et même apprendre à apprécier. L’intelligence et le sens des plaisirs ne sont pas innés, ils se cultivent à l’aide d’une généreuse curiosité.

Note
[1] Terme policier pour exprimer la répétition médiatique incessante du message publicitaire ou de la musique à vendre afin de créer une dépendance pour que le consommateur achète le produit et le consomme, et le rachète : le même… (tant qu’il y a du stock).
[2] journaux personnels sur Internet très en vogue où chacun développe son projet narcissique de vie personnelle rendue publique avec des connexions « d’amis » qui se complimentent entre eux : la culture de la flatterie (une excellente idée d’espace pour vendre de la publicité) ou l’exploitation commerciale de la sottise planétaire.

 

 

 

contexte psychoéconomique primaire

temps compté
- versus - temps libre
besoin
- versus - désir
assouvissement
- versus - jouissance
abondance
- versus - rareté
agitation
- versus - tranquillité
occupé
- versus - disponible

 

 

 

contexte psychomoteur

Combat versus l’ennui = le rien, le désintéressement, le désœuvrement, le désir de mouvement qui manque, la frustration d’aucun changement, la terreur du même. La terreur (en absence présente) du même. Trouble de la perception qui transforme le différent en même. Attente. Sans activité possible. Anxiété sans peur. L’ennui est-ce la sensation primaire qui fait s’agiter l’humain ? Sans l’ennui en tant que signal d’alarme (quand nos sens ne sont pas suffisamment excités, mordus par des nouveautés) pourrions-nous être avec doute des êtres neurovégétatifs : avec le contrôle minimum nécessaire de nos fonctions involontaires pour nous maintenir en vie immobile ? Motricité des gestes ou de l’imaginaire cérébral ? Sans l’ennui en tant que signal d’alarme, il n’y aurait pas d’histoire. Mais il existe des histoires ennuyeuses : sans intérêt qui nous laisse indifférents (le/la même). La sensation d'ennui est un ré-acteur, une demande du corps humain occidental, de sensations nouvelles et différentes. Nous fuyons l’abominable ennui qui nous poursuit. À la recherche perpétuelle de nouveautés de nouvelles sensations mêmes illusoires – car « mieux vaut se faire croire que d’être envahi par l’ennui ». Pourquoi ? Quelle est l’origine de cette terreur du vide dans la vie humaine ? Cette impression de vide, de lassitude par désœuvrement, une occupation monotone dépourvue d'intérêt : tout cela est considéré comme un moment de vie ratée. Une vie morne, maussade, monotone peut-être suffisante pour certains contre une vie sensationnelle de destruction (+ simple) ou de création totalitaire pour d'autres, mais qui baigne dans le fond de l’ennui. Combattre l’ennui ? Face à l’ennui du générateur de sensationnel ? Attention ça sonne creux. Et du sensationnel permanent ? À la longue ça lasse. Le sensationnel dans la durée se ridiculise. La machinerie génératrice est risible par rapport à la sensation générée à la date activée.
Ceux-qui-ont-tout versus Ceux-qui-n’ont-rien : ça n’existe pas, mais :
Dans le milieu de ceux qui ont tout, la terreur de l’ennui peut rejoindre les activités extrêmes de l’horreur qui cultive une esthétique du jeu érotique au-delà des interdits : de la blessure du vivant jusqu’à la pratique de la guerre, le jeu ultime des gens qui s’ennuient, de ceux qui ont tout. Les sensations ultimes. Tout génère l’ennui ? Avoir tout génère du rien. Ceux qui ont tout sont les maîtres de l’ennui. Où la curiosité n’a même plus d’accroche. Ceux qui n’ont rien pourraient être curieux de tout, mais ne le sont pas obligatoirement. Rien n’est pas simpliste ni schématisable. Et avoir tout n’est pas définissable, sauf que c’est un état de l’esprit face à sa limite infranchissable Bof. Distraire et divertir (détournement) ou amuser (faire perdre son temps par occupation et détournement d’attention) un ennuyé est efficace comme un pansement sur une plaie béante. Lui faire réapparaître la polytonie dans sa monotonie. Manipulation de disposition d’esprit. Si nous estimons soigner l’ennui, c’est que nous le considérons comme maladie ? Mais la mise en branle du rien comme repos face à l’abondance incontrôlable ne serait pas souhaitable ? S.V.P., générons de l’ennui pour nous arrêter. Au moins, faire une pause. Musarder à muse oiseuse. Le glandeur s’ennuie-t-il ? Il muse, la musique. Rien à foutre. La vie nous transforme et l’ennui est le moteur de cette transformation. Ça t’a muse ?

« L’art justifie la vie » BOUM…, Friedrich Nietzche (Naissance de la tragédie)

 

 

contexte médiatique 1 : un jeu du facteur temps = art ou publicité ?

Pour s'imprégner, pour intégrer, pour comprendre, pour apprécier l'art, il faut du temps, un certain temps, comme un met délicieux se savoure : le plaisir, on aime le faire durer. L'art ralentit le temps, le suspend même : le temps de l'oubli de soi. Passage d'un temps profane (le temps des horaires) à un temps sacré (récupéré par la religion, mais pas forcément religieux). C'est dans sa suspension jusqu'au bout du souffle qu'il déclenche un orgasme doux ou violent, extatique ou paisible. Cependant, pendant la très longue période historique qui nous précède, la morale dominante interdit de ressentir la diversité des orgasmes. L'expression de l'orgasme est encore tabou. Au début du XXIe siècle les mouvements de la jeunesse ont été circonscrits (enfermé dans des limites) et ont tari d’eux-mêmes, ils se sont épuisés puis ont disparu. Puis la « contagion du plaisir » a été traitée par antidépresseurs. Psychiatrie morale du « bon goût » réglé pour la destruction du danger probable. Garde fou contre l’incontrôlable. Excès. Mais le corps réclame, appelle. Même s'il y est sous « perfusion » de crédibles [1]. C’est la situation de l’activité humaine qui oscille autour de son équilibre vital : entre le désordre (liberté et perte de contrôle) qui satisfait la disparition de l’ennui pour chacun et l’ordre (discipline et obéissance) qui satisfait la survie sociale du groupe. Ce point d’équilibre n’est jamais stable, c’est ce qui crée l’histoire de l’humanité : la morale contre le jeu est une onde qui est tirée par des attracteurs contradictoires. Cette dichotomie (mise en duel) est permanente chez chacun d’entre nous, mais il existe (curieusement) des groupes qui se positionnent, se fixent : créent des camps. Le prétexte à la guerre. Dont ses individus cultivent en secret une attraction pour le camp d’en face. Cette opposition, dans la Grèce Antique était imagée par deux personnages : Dionysos pour le désordre, la fête, le bouillonnement de la vie et de l’autre côté Apollon, la sagesse, la tranquillité [2].

La perception de quoi ?
La perception de l'art sournoisement s'est confondue (insidieusement) avec la perception de la publicité : « c'est le facteur de temps qui engendre la structure même de l'affiche et qui en règle l'esthétique » nous dit Lo Duca en 1945. Plus haut, « une affiche qui n'est pas comprise en deux secondes n'est pas bonne ». Plus loin, « d'un coup d’œil, il est nécessaire que l'image établisse un souvenir visuel ; de plus, ce souvenir doit s'associer à un nom ». Il faut que la publicité, dans son expression multimédia : le film, l'affiche, la parole, la musique, l'installation, etc., provoque « la permanence du souvenir » [3], un souvenir, une référence permanente de la marque. L'artiste d'aujourd'hui se vend comme une marque. Quelles sont les conséquences des productions publicitaires multimédias sur l'Homme depuis son désir de « la permanence du souvenir » ? Où le coup d’œil pour « la permanence du souvenir » est le dictat de la perception. La mélodie qui ne quitte jamais votre tête, les images, les slogans. Pourtant, le vacarme publicitaire ne date pas d'aujourd'hui : dans l'Antiquité il fallut créer des albums pour cadrer les débordements de la réclame [4]. De tout temps, chacun veut se faire « entendre » et se faire RE-connaître pour montrer et échanger sa « création » contre de la reconnaissance sociale en escaladant les classes [7]. Surtout, ne pas être l'étranger méconnaissable, seul dans le noir et le froid. C'est un jeu de possession de l'attention de l'autre où le gagnant est celui qui accapare le maximum d'audience. Aujourd'hui c'est Le critère de valeur dominant tous les autres : une grande attention génère une grande somme d'argent. Ce jeu de la possession est un des moteurs de la décadence de l'art et de la musique médiatiquement « visibles », car elle base sa création sur le seul critère : celui de la visibilité. Qui n'est rien d'autre que la base de la publicité. L'art ne se travaille pas au « monocritère » de la reconnaissance publicitaire sinon il serait vidé de son sens même et disparaîtrait en tant qu'art. Aujourd'hui l'art (le visible) s'est effacé au profit de la publicité : heureusement, il reste l'invisible, celui qui s'enrichit de ses expérimentations inattendues à l’ombre des projecteurs de la médiocrité généralisée.

Nous vivons une période d'abondance et nous sommes inquiets d'être en manque ! C'est notre appréciation du manque qui est en cause, pas le manque en lui-même. Nos manques ont été industrialisés, éduqués à l'insatisfaction permanente, pour consommer la peur des producteurs à consommer éternellement leurs produits. La peur de ne pas être, à l'abri, rassuré par la constance des repas chauds jamais manquants.

Du coup : cette « appréciation » dans un temps très resserré interdit l'approfondissement du plaisir. On se sotte (pas de réflexion) on saute (danser) d'un perceptible [5] à un autre jusqu'à ce qu'un perceptible nous arrête : car il correspond au besoin immédiat que nous devons assouvir. À l'abondance nous réagissons à coups de frustrations.

La cacophonie publicitaire n'a rien à voir avec le bruit du son.

La pénétration dans l'infini de l'instant (pour s'échapper de l'inimmédiateté) « le temps limité à l'instant nous isole non seulement des autres mais de nous-mêmes, puisqu'il rompt avec notre passé le plus cher » [6].

 

 

notes
[1] un crédible (nom masculin) toute illusion qui endort notre sens critique.
[2] Friedrich Nietzsche « La naissance de la tragédie » 1871 où il montre que la naissance de l’art c’est conçu dans la dualité des opposés symbolisé par deux divinités Grecs : Apollon et Dionysos.
[3] Lo Duca « L'affiche» (PUF 1945)
[4] Dans la Rome Antique, les albums sont des murs blanchis à la chaux, aux places et carrefours, partagés en rectangles égaux destinés à l'affichage, complétant la réclame orale du crieur public. Les politiques pondent des lois pour empêcher l'affichage « sauvage » sans limites, celles de 1888 par exemple sauf pendant les périodes électorales !
[5] un perceptible (nom masculin) tout phénomène qui réveille nos sens.
[6] Gaston Bachelard « L'intuition de l'instant » (édition Stock, 1932)
[7] Ces créations de l'humain s'échelonnent en corps de métiers : de l'ouvrier (de opéra = oeuvre) artisan manuel à l'industrie automatique (multiplication du même pour tous - nous différents qui cherchons l’unique) jusqu'à l'art (forme créative qui sort de l'utile et des besoins du corps pour toucher aux sens de la survie de l'esprit pour le corps - façon de voir pour comprendre). La main, la machine et l'esprit.

« Règle n°1 en affaire, protège ton investissement » (Ethique du banquier 1775). Cité par Guy Ritchie dans son film Revolver.
Jean-Didier Vincent « Casanova » (édition Odile Jacob, 1990)
Claude Fischler « L'Homnivore » (édition Odile Jacob, 2001)

 

 


Contexte morphogénétique

Nous aimons la sonorité du mot : « chréode » qui nous fait penser à : des trous de temps dans l'espace. Une forme creuse dans laquelle se développe une autre forme signifiée identifiable, un antimoule formé par son contenu en développement, un générateur de systèmes morphogénétiques hors-temps qui sont prêts à fonctionner et dont certains seulement se mettent en marche au moment propice pour une vie d’une existence morphique. Chréode : terme inauguré et employé par Waddigton dans Strategy of the Genes (Allen and Unwin : London 1957) p. 32. Concept « voisin de celui du champ morphogénétique, mais il explicite la dimension temporelle qui n'est qu'implicite dans le dernier » [...] Ce concept inclut « l'idée que le développement est guidé ou canalisé dans l'espace et le temps par quelque chose qu'on ne peut considérer en soi comme restreint à un lieu et à un moment particulier. » Rupert Sheldrake dans « Une Nouvelle Science de la Vie » (édition du rocher, 1985). Quelle est l’étymologique du mot chréode ? Champs de temps ? La chréode est un canal spatio-temporel dans lequel se développe un courant de formes comportementales données en dehors du contexte d'un lieu et d'un moment particulier. Le contexte est la forme de la chréode même qui illustre la réflexion limitative du contenant avec un contenu. Pouvons nous développer notre percevoir au-delà de notre « moule invisible » chréode ? La vie n'est pas le résultat contenu d'un environnement propice à son développement, puisqu'elle forme cet environnement-contenant par les limites possibles de celui-ci. La chéode permet la régénération de l'organisme sous sa même forme (jusqu'à une limite de rupture) exemple : on (se) blesse, on (se) coupe un bout, ça repoussera dans sa même forme. La queue du lézard est un exemple spectaculaire. La chréode psychologiquement reste marquante dans le cas d'une repousse impossible, par exemple les amputés ressentent toujours leurs membres absents : ils existent sans être. Les chréodes culturelles fonctionnent de façon similaire, elles croient dans un certain sens dans une certaine forme de perception. ouvre.html : Regarder ou écouter c'est créer et renforcer les rigoles de nos cultures respectives. Des rigoles si pentues qu'elles assimilent des phénomènes étrangers. La perception est une croûte gravée de rigoles immuables. Percevoir c'est baigner dans ces rigoles. Tout phénomène étranger en dehors de ces rigoles n'est pas perçu, ou il est perçu comme un phénomène de la rigole. À force de creuser ces rigoles, de ces rigoles nous ne percevons plus au-delà de ses bords. Leur pouvoir d'attraction est si puissant qu'elles en deviennent des cultures rempart. Rigole -> tranchée -> canal (trancher une ouverture pour le rire) bords <=> limites [1]. Regarder et écouter crée et renforce les tranchées de nos cultures respectives. Des tranchées si profondes qu'elles assimilent des phénomènes étrangers comme siens propres. La perception est une croûte gravée de tranchées immuables. Percevoir c'est enfouir dans ces tranchées. Tout phénomène étranger en dehors de ces tranchées ne peut pas être perçu, ou il est perçu comme un phénomène de la tranchée. À force de creuser ces tranchées, de ces tranchées nous ne percevons plus au-delà de ses bords. Leur pouvoir d'attraction est si puissant qu'elles en deviennent des cultures rempart c'est-à-dire des conventions. Les canaux communicants ont les limites de leurs propres bords, ces bords créent la frontière-limite de ce qui est percevable. Notre champ de perception est réduit à la compréhension monodique de la forme même du canal. Les contextes oscillent à la modification des valeurs transgénérationelles, mais les chréodes elles ne changent pas : elles régénèrent les mêmes formes. [2]

 

 

notes
[1] Nous nous plaisons à penser que les dimensions de l'infiniment grand sont infinies, que notre univers avec ses galaxies est une particule d'une particule à la chaîne infinie qui forme nos plurivers aux dimensions inimaginables... et nous, nous sommes là quelque part à l'intérieur dans la chaîne spatiale qui contient d'autres plurivers dans l'infiniment petit sans aucune limite (de l'infinitude même de la désignation). L'infini est notre récepteur sans bords. Y en a-t-il d'autres sens ? D’autres dimensions signifiantes ?
[2] Nous avons du mal à imaginer que l'univers est « un but en soi », cette idée explique plutôt l'attitude anthropomorphique déisante (ou déiste) de la pensée au stade de notre connaissance actuelle. La projection anthropomorphique pour expliquer l'univers reste (rait) un handicap pour la connaissance de ce qui existe en dehors de soi. Cette projection nous amène à des concepts-impasses tels que le déisme (anthropocentrisme des phénomènes incompris) ou le « big bang » pour la naissance de notre univers (déduction linéaire éjaculatoire) et les autres choses. Par contre, il pourrait être en soi chréodale. C’est à dire un type particulier de champs d’énergie de proposables où les formes s’assimilent et se reconnaissent dans l’ajustement. Mais : système, mécanisme, chréode, renvoie à quelque chose (?) qui régule la vie, un ensemble dynamique de règles (?), au maintien en équilibre de tous êtres : c'est trop facile, tout en restant une impasse (la facilité de l’impasse à stationner dans son ignorance) où ce quelque chose me gêne qui empêche d’aller plus loin dans la pensée. C’est un concept rempart.

 

] () [ Parenthèse : l’artiste avec son rôle

Pourquoi l'utilité de l'artiste est remise en question de façon permanente par les gouvernants et ses gouvernés dans nos sociétés occidentales ? Pourquoi dans un Etat en « crise économique » (en richesses détournées) ce sont des artistes (pauvres) dont on veut se débarrasser les premiers avec les étrangers (pauvres) aussi ? Pourquoi vouloir les expulser dans la pauvreté et l'humiliation encore pire ? Pourquoi la majorité considère le métier d'artiste comme n'étant pas un métier, mais une occupation inutile à la société économique ? Bien que les artistes soient les plus gros producteurs de richesses de l’humanité ? Est-ce une idée pour provoquer la jalousie des salariés esclaves privés de liberté : afin de restreindre celle des artistes ? La politique de domination a toujours eu un problème avec le statut des artistes et les étrangers. Refrain agaçant et inconstructif : il est impossible de restreindre la liberté des artistes sous peine d’annihilation de leur travail et avec, le sens de l'existence de nos sociétés humaines. Mais c'est ce qui se passe aujourd'hui : la parade de « l’autorité bourgeoise » est d'avoir transformé l'art en divertissement, dont les artistes une fois attachés ne peuvent plus se défaire. La dépendance ou la toxicomanie à l'argent reste forte. Le divertissement est commandé par les politiques affairistes qui payent.

« Les artistes demeurent dans une situation de rejet à cause de leur privilège » (sic) me dit-on : en effet le privilège de la liberté et de la pauvreté où personne ne décide pour lui. Mais l'artiste (authentique, pas celui qui divertit) a une fonction très précise dans nos sociétés : celle d’être au bord de l'humanité, là où personne ne s'aventure, de peur de perdre le sens de vivre. De là, ils servent aussi de bouc-émissaires en cas de crise : ce sont des personnes sacrifiables, les bouches de moins à vouloir nourrir de la communauté : « ils peuvent souffrir eux, c'est leur destiné » (sic). Oui, la souffrance de l’acte de vivre et de créer est leur quotidien. Ainsi, il n’est pas judicieux que nos sociétés veuillent abattre ses sentinelles. N'est-il pas temps de re-connaître le rôle fonctionnel de l'artiste dans nos sociétés et de le laisser tel quel ? [1]

L'artiste a un regard, une écoute, une conscience, une sensibilité, une pratique sur l'humanité. Il l’exprime à travers son art (avec un métalangage inconscient compris de tous) pour que l'on puisse se voir, s'écouter et se comprendre. Les artistes sont sur des lieux d'observation de nos sociétés, insupportables à vivre pour les autres : ce sont des sentinelles, les sentinelles gardiennes de la santé de notre humanité (maintenir un état de non-déchéance psychique) qui demandent en permanence : « ça va ? » dans son oeuvre. L'artiste est libre, il est donc vigilant. Il doit être libre pour être vigilant. Un artiste prisonnier ne peut que décorer la vie de son geôlier. L'artiste alerte notre société, de toute dérive inhumaine contre son extinction à travers ses oeuvres. L'artiste perturbe tout désir d'ordre hégémonique par le sacrifice de soi. L'artiste est le garant de la liberté humaine. Il est le garant de l'imaginaire collectif. L'artiste produit un « héritage humain » image de notre humanité. Cet « héritage humain » donne des métiers, des occupations dont chacun tire un sens de sa vie et ses moyens d'existence. Les artistes donnent du sens à l’existence humaine et alimentent la connaissance. Sans eux, nos sociétés se décomposeraient, sans sens en dérivant vers la disparition de l'espèce humaine.

Note
[1] « Durant mon existence, je rencontre un certain nombre d’auteurs dont leurs états d’esprit, dans la formation de la pensée, ont résonné de manière à ce que ceux-là me permettent de construire une pensée qui j’espère ne trahira pas la continuité de l’évolution de l’intelligible sensible. Je reconnais quelque chose de familier en eux. Ma démarche artistique est la pensée sur mon attitude de savoir-faire et qui construit et révèle ma pensée sur le monde pour alimenter mon imaginaire artistique réalisé dans mes ouvrages. Qu’est-ce qu’une démarche artistique ? Personnalité qui ressort des œuvres, une pensée perceptible à travers un matériau traité. /. Un art sans démarche s’assimile à de la copie, un artiste qui ne réfléchit pas son travail, fait de la copie des autres. Il a néanmoins la démarche du copieur, attitude opportuniste sans trop d’effort pour recevoir les éloges des critiques qui veulent être bernés (il doit y avoir une récompense quelque part dans ce tragique d’influences). Il faut être convaincu et malin pour vouloir berner son entourage : dans le sens du “bon goût” qui offre à chacun ce qu’il désire, pas au-delà. C’est l'activité du divertissement, mais pas l'activité d'un artiste. »

 

Sources bibliographiques.
Georges Bataille : « l’expérience intérieure » (édition Gallimard, 1954)
Jacques Sojcher : « la démarche poétique » (édition 10|18, 1976)
Bernard Marcadé : « Eloge du mauvais esprit » (édition de la Différence, 1986)

Annexe 3
série de lettres « sur le terrain » qui témoignent de l'incompétence des politiques culturelles face au travail des artistes (sur ce site)

 

Contextes pratiques à la réalisation des ouvrages
...

Contexte musicale à la réalisation de la musique
...

 

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