La réalisation d'une oeuvre et l'exigence élaboratoire

 

[question qui paraîtrait absurde dans un contexte motivé et de sensation de plénitude.
Mais 40 années de crise sociale profonde (de mise en danger permanent des salariés)
ont atteint l'instinct de survie d'une population majoritairement désoeuvrée : « la débâcle, ça l'a débranché »]

 

d'où l'apparition du terme contradictoire : "lien social"

La réalisation d'une oeuvre (d'art, musicale, d'une oeuvre de vie)

L'exigence à l'élaboration d'une oeuvre (entre dictature et laxisme)

 

L'essentiel c'est quoi ? dans l'élaboration d'une oeuvre ? A quoi sert de fabriquer, de faire des oeuvres ? tromper l'ennui ? provoquer le ravissement ? tromper le désoeuvrement d'une vie mornotone ? mourir moins stupide ? mourir surmené ? mourir dégoûté ? mourir satisfait ? mourir ravi ? Qu'est-ce qui est appréciable dans une oeuvre ? Quoi permet de lui donner une valeur, ou l'apprécier pour la valeur qu'on lui porte ? Vivre de l'excitation de la passion vers l'objet de l'oeuvre (qui est ? chut. quoi ?) ? Vivre la vie de l'oeuvre au lieu de la sienne ? Généralement, être confronté à une oeuvre bouleversante laisse sans voix. L'oeuvre est bouleversante et nous sommes bouleversés. C'est une communication de bouleversements, l'art et la musique ? pour moi oui. La recherche de bouleversements de ravissements, peut être un des sens de sa vie.

Une oeuvre bâclée [1] est une oeuvre à laquelle on attache peu d'importance à son ouvrage, on ne fait pas (ne s'entraine pas, ne se réalise pas) pour s'impressionner, pour s'épater, pour se surprendre : « wow (ouaouh), es-tu capable de faire ça ? c'est magnifique ! » (sic) un effort suffisant pour que l'oeuvre soit (satisfaisante) impressionnante, renversante. Une oeuvre satisfaisante + impressionnante + renversante n'est pas facile à faire ? Comment se fait-il qu'une oeuvre renversante ne soit pas facile à réaliser ? et demande un sacrifice de soi, sacrifice d'une vie pour soi. Avec les autres qui semblent tout faire pour vous empêcher de faire (censure, entraves, nuisances, etc., à la réalisation de l'oeuvre). Esclave de l'oeuvre ? Cela ne signifie-t-il que l'artiste ne cultive pas la paresse et le laxisme (la négation des interdits [2]) ? entre le travail, l'effort demande un repos nécessaire pour tous (artiste ou pas). L'élaboration d'une oeuvre pour être appréciable demande : de la réflexion (très) profonde et du travail (sans relâche) dans le temps de la concentration de la persévérance. Le savoir faire (talent ?) ne nait pas seul de lui-même, on l'entraine, on le cultive en permanence. Savoir qui parait évident aux générations précédentes, mais qui ne l'est plus aujourd'hui, pourquoi ? Avoir et être tout. Tout de suite. Etre déjà fatigué d'attendre, dans l'intolérance d'une vie ingrate, la vie est-elle ingrate ? la vie ? Etre fatigué d'attendre pour jouir ? Doit-on attendre pour jouir ? ou doit-on agir pour jouir ? J'ai l'impression de me parler à un enfant. Car au fond je sais : on ne fait pas l'amour dans la passivité (démotivé) dans l'espoir de jouir. Mais ça, c'est une maladie dont un très grand nombre d'artistes semblent être atteints aujourd'hui (ou peut-être ce ne sont pas des artistes, mais prétendent l'être). C'est cette maladie de peu d'exigence de soi qui crée l'état médiocratique des arts et de la musique. Est-ce se sentir déposséder de sa capacité que d'abandonner son oeuvre ? ou la montrer inachevée à son niveau de non communicabilité ? pour accélérer le processus de décadence de notre civilisation ? le dégoût de l'humain impuissant ? et le goût de sa ruine ? est-ce une motivation ou une paranoïa ? reflet de la médiocratie.

Comment agit le degré d'exigence d'une oeuvre dans le travail artistique ? Est-ce dans l'évaluation de l'effort à fournir ou dans la capacité de l'effort à fournir ? Acquis contre inné : 2 termes qui se combattent depuis des siècles. Le talent est-il inné ou acquis ? notre siècle se pose toujours cette question bien que le philosophe John Locke ait répondu, dans son ouvrage écrit en 1689 : An Essay Concerning Human Understanding (Essai sur l'entendement humain). Depuis quelques ouvrages, sur le conditionnement humain permet de comprendre notre degré d'influençabilité, de croyance et d'obéissance. Stanley Milgram : Soumission à l'autorité (1974), Jean Itard : Mémoire et rapport sur Victor de l'Aveyron (1801), Lucien Malson : Les enfants sauvages (1964). Avec ces 3 ouvrages, nous avons un début d'idée claire de notre conditionnement.

La réflexion à traverser pour aboutir à l'oeuvre (oeuvres qui se suivent ou pas) : le parcours de sa vie, propre à chacun. demande beaucoup. ne demande pas rien. Comment vouloir tout avec rien ? des qualités nécessaires ? pour toucher au sublime ? Le problème de la responsabilité de l'orchestre est là, il réside dans cette question : voulons-nous accéder au sublime ? Si oui, l'effort est fourni, si non, le mépris est présent.

 

De l'exigence à la dictature

Le contexte de naissance de la dictature

Exiger. Nécessiter, avoir besoin, commander, demander, imposer, obliger, prendre, réclamer, même vouloir. A qui ? à soi ou aux autres ? aux autres au même niveau d'exigence qu'à soi ? le risque qu'ils se sentent heurter, malmener. Je me malmène ? pour aboutir à l'oeuvre qui me satisfasse ? toujours insatisfait, jusqu'à quand ? le degré de satisfaction est-il au prorata du degré d'exigence ? ils montent tous les deux. Toute réussite d'une oeuvre musicale réside dans le degré d'exigence des musiciens de l'orchestre (des artistes impliqués dans le projet), si ce degré d'exigence n'est pas commun et suffisamment exigeant, l'oeuvre n'aboutira pas ou ne fera entendre que sa négligence. Une oeuvre musicale négligée est une anti-oeuvre : un acte de destruction.
Souhaiter. Désirer, vouloir, ambition : recherche de la réussite de l'oeuvre : comment évaluer cette réussite ? quand on a l'intuition que l'oeuvre est achevée ? qu'il n'y a plus rien à faire ? Mais l'oeuvre peut être ratée, en quoi une oeuvre est ratée ? en ce qu'elle ne bouleverse pas. L'échec point pour l'artiste exigeant dont l'oeuvre ne bouleverse pas.
« Je veux » contre le « je voudrais », « donne » contre « s'il te plait, puis-je avoir ». Le caprice contre l'euphémisme de la volonté : la politesse (le caprice indirect et hypocrite).

Une dictature nait des extrêmes : une exigence extrême dans un laxisme extrême. Aussi, où le laxisme pour l'exigence peut être une illusion (le directeur est tombé dans la paranoïa). Une dictature est une rupture de communication qui pense se résoudre dans la violence. Le salariat est une des formes de cette violence : la permission d'un laxisme obéissant, en échange d'un esclavage volontaire relativement vivable. Les musiciens de l'orchestre (en majorité) exigent le salariat (être concerné, mais pas trop, juste ce qu'il faut en échange du salaire), mais jusqu'à une certaine limite de difficulté d'exigence ; au-delà, on s'adresse aux « virtuoses », dont la cote est plus élevée et qui ne fonctionnent plus dans le salariat, et au-delà, il y a les vrais musiciens (qui tutoie les anges, comme les « seigneurs de la picole » d'Un singe en hiver d'Antoine Blondin et Henri Verneuil). L'involonté d'une hiérarchie sociale ? est-ce une histoire d'exigence de soi ? ce n'est pas possible. Non il n'y a pas que ça. Il y a les castes encastrées qui se referment sur elles-mêmes. Il y a des dérives de bâtiments. Il y a des fatalismes suicidaires. Il y a l'argent. Corrupteur de passion qui ordonne le nécessaire inutile. Il y a le piège du crédit de la convoitise. No one is innocent, on le sait déjà. La vulgarité ne se moque-t-elle pas du maniérisme affecté ? La bêtise ne se moque-t-elle pas des savants de la certitude ? Je ne parle pas de ces punaises sociales rouillées dans la charpente (obligé de détruire la charpente). Une entente, un accord vaut mieux qu'une domination dans une oeuvre musicale : là, il n'y a aucun doute.

Peu importe, le peu d'importance du je-m'en-foutisme irresponsable, détaché et insouciant, d'être frivole, imprévoyant, inconscient, voire laisser-aller, léger, négligent, jusqu'à nonchalant. Ce qui est donné, doit-on le transformer pourquoi ? L'arrogance de l'ambition de domination sur ce qui est donné à vivre. Non je préfère le comprendre et jouer ensemble.

Agissement contradictoire : poser de la nonchalance quand on a besoin de rigueur => la génération d'un conflit (est une attitude adolescente pour revendiquer l'identité de sa personne par la contradiction) ; pour faire chier et s'en amuser ou en souffrir. Ce type d'attitude contradictoire chez l'adulte, relève d'une perturbation intérieure de soi (quelque chose de pas résolu qui traine). Il semble que notre siècle soit profondément perturbé pour constater une ampleur si vaste d'automédiocratie.

Un orchestre où chaque musicien est concerné par autre chose, ne peut pas former un orchestre.
Un orchestre où chaque musicien est ailleurs, ne peut pas former un orchestre.
Un orchestre où chaque musicien méprise le travail du compositeur, ne peut pas former un orchestre.
Un orchestre où chaque musicien ne demande pas à comprendre la musique, ne peut pas former un orchestre.
Des musiciens curieux à demi motivés ne peut pas former un orchestre.

Un orchestre n'est pas seulement un regroupement de musiciens, c'est le désir de se concentrer et de travailler sur le même projet ensemble qui serait impossible à réaliser par un seul. Si la musique n'est pas portée par tous les musiciens de l'orchestre, la musique ne se réalisera pas. Elle ne restera qu'au stade d'une approximation désagréable. J'ai fait l'expérience des deux.

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LE POUVOIR DE FAIRE OEUVRE RENVERSANTE AVEC LES AUTRES
fait partie des vécus de ravissement

 

. Ah

 

Notes
[1] Bâcler du latin populaire bacculare, signifie : fermer avec un bâton. Au lieu de fabriquer une serrure ? faire à la hâte, gâcher. Fermer d’une barre : barrer, barricader : emploi archaïque.
[2] Laxisme : doctrine qui nie les interdits en opposition à la casuistique. Laisser-aller. D'où le laxatif pour faire sortir ce qui est constipé à l'intérieur. laisser aller. « Résoudre les problèmes posés par l'action concrète au moyen de principes généraux »*, « de nombreuses opinions laxistes condamnées par les papes Alexandre VII (1655-1667) et Innocent XI (1676-1689) »* en opposition à la casuistique : attitude morale chrétienne de jugement général appliquée à des cas particuliers. La casuistique est une forme de culture de la cruauté rituelle au nom de la pureté. La casuistique est liée aux lois des dogmes rituelles (de s'occuper à ce qui ne concerne pas ?). Laxisme, le mot est resté, la doctrine s'est évaporée.

Note de la Note [2]
* Louis-Gustave Vereeck, professeur d'histoire de la théologie morale moderne à l'Accademia Alfonsiana de l'université pontificale du Latran (Rome). « Le probabilisme est un refus du rigorisme moral des théologiens classiques. Dans le contexte polémique des congrégations de auxiliis, un amalgame imprévu se produit : le probabilisme est reçu comme le complément et l'application, en matière de théologie morale, des thèses de Molina en théologie dogmatique ; il permet le développement de la casuistique, qui traite des « cas » de morale pratique en fonction du probable possible, et non de la règle la plus sûre, et à l'histoire de laquelle sont attachés notamment les noms du jésuite Escobar (1589-1669) et du cistercien Caramuel (1606-1682). De fait, le laxisme représente la tendance extrême du probabilisme. C'est pourquoi les jansénistes (avec les Lettres provinciales de Pascal en 1656 et, davantage, avec leur traduction latine par Nicole en 1658) et les Dominicains dénoncent le probabilisme comme une « morale relâchée » et s'efforcent, à partir de 1656, de la faire condamner à Rome. Le probabilisme était alors en passe de devenir la doctrine officielle des Jésuites, bénéficiant de la faveur du père Oliva, qui fut leur général de 1664 à 1681. En 1679, le pape Innocent XI condamne soixante-cinq thèses de morale relâchée : les quatre premières concernent, de manière nuancée, l'usage de la probabilité sur ces matières. » Jean-Robert Armogathe, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, sciences religieuses. Casuistique, probabilisme et laxisme concernent des attitudes internes propres à l'Eglise catholique du XVIIe siècle (après 5 siècles de cruauté de l'Inquisition) qui n'ont plus rien à voir avec le christianisme biblique, malgré que le dogmatisme règne dans toutes les religions (et les maintient). Dans le monde laïque, le laxisme est pratiqué quotidiennement sauf pour la police (un peu de souplesse lui ferait du bien).

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