J'ai une grande admiration pour le travail d'Andreï. Je regrette qu'on ait pu se croiser. A sa mort en 1986, je commençais ce que lui finissait. Mathius Shadow-Sky Paroles relevées le 28 avril 1986, à Paris sur son lit 8 mois avant sa mort. Tarkovsky, l’espoir, la croyance et l'absurde « On ne perd pas l’espoir face à la réalité parce qu’il est irrationnel. L’espoir se renforce chez l’homme contre toute logique. Tertulien disait et il avait raison : « je crois parce que c’est absurde de croire » [1]. L’espoir se renforce face au plus sordide de notre société. Parce que l’horreur, tout comme le beau, provoque des sentiments qui chez un croyant renforcent l’espoir. » - L'espoir s'alimente d'horreur et d'esthétisme qui alimente sa croyance qui entretient l'espoir jusque dans l'absurde. Tarkovsky et l’art des masses « Pour moi, l’art des masses est absurde. L’art est surtout d’esprit aristocratique. L’art musical ne peut être qu’aristocratique, parce qu’au moment de sa création il exprime le niveau spirituel des masses, ce vers quoi elles tendent inconsciemment. Si tout le monde était capable de la comprendre, alors le chef oeuvre serait aussi ordinaire que l’herbe qui pousse dans les champs. Il n’y aurait pas cette différence de potentiel qui engendre le mouvement. » ??? Tarkovsky et le film-prière « Mes films ne sont pas une expression personnelle, mais une prière. Quand je fais un film, c’est comme un jour de fête. Comme si je posais devant une icône une bougie allumée ou un bouquet de fleurs. Le spectateur finit toujours par comprendre lorsqu’on lui parle avec sincérité. Je n’invente aucun langage pour paraître plus simple, plus bête ou plus intelligent. Le manque d’honnêteté détruirait le dialogue. Le temps a travaillé pour moi. Quand les gens ont compris que je parlais une langue naturelle, que je ne faisais pas semblant, que je ne les prenais pas pour des imbéciles, que je ne dis que ce que je pense, alors ils se sont intéressés à ce que je faisais. » Tarkovsky et la voix du peuple « L’artiste collecte et concentre les idées qui sont dans le peuple. Il est la voix du peuple. Le reste n’est que travail et servitude. Ma position esthétique et éthique se définit par rapport à ce devoir. » Tarkovsky et l'homme oriental « L'homme oriental est appelé à se donner en cadeau à tout ce qui existe. Alors qu’en Occident, l’important est de se montrer, de s’affirmer. » Tarkovsky et le Romantisme « Le romantisme est un phénomène typiquement occidental. C’est une maladie. Quand l’homme vieillit, il voit sa jeunesse comme les romantiques voient le monde. L’époque romantique était spirituellement riche, mais les romantiques n’ont pas su utiliser leur énergie comme il le fallait. Le romantique embellit les choses, il fait ce que je fais lorsque je ne me suffis pas à moi-même : je m’invente moi-même, je ne crée plus le monde, je l’invente. » Tarkovsky et le verbe « Le verbe n’a de force magique que lorsqu’il est vrai. Aujourd’hui le verbe est utilisé pour cacher les pensées. En Afrique, on a découvert une tribu qui ne connaît pas le mensonge. L’homme blanc a essayé de leur expliquer et ils n’ont pas compris. Essaye de comprendre la mystique de ces âmes- là, et tu sauras pourquoi au début il y avait le verbe. L’état du verbe démontre l’état spirituel du monde. Actuellement l’écart entre le verbe et ce qu’il signifie ne fait que s’amplifier. C’est très étrange. C’est une énigme ! » Tarkovsky et l'Histoire « S’il y a bien une chose qu’on a apprise de l'Histoire, c’est qu’elle ne nous a jamais rien appris. L’homme répète sans cesse ses erreurs. » - oui, l'humain doit refaire l'expérience lui-même. L'expérience rapportée n'a que la valeur d'être rapportée. Tarkovsky et la liberté de l'information vraie « Le plus important est la liberté de l’information que l’homme doit recevoir sans contrôle. C’est le seul outil très positif. La vérité non contrôlée est le début de la liberté. » Note d'encyclopédiste [1] pour citer ça, il a dû lire « Dieu et l'État » de Bakounine, car c'est lui qui attribue le fameux « credo quia absurdum » : « je crois parce que c'est absurde » à Tertullien dans cette phrase : « Il est évident que quiconque en a besoin pour son bonheur, pour sa vie, doit renoncer à sa raison, et, retournant s'il le peut à la foi naïve, aveugle, stupide, répéter, avec Tertullien et avec tous les croyants sincères, ces paroles qui résument la quintessence même de la théologie : “Je crois parce que c'est absurde” ». Tarkovsky a dû éprouver l'athéisme de Bakounine qui trouve sa base dans la recherche de la liberté pour l'humanité disant : « Dieu est, donc l'homme est esclave. L'homme est libre, donc il n'y a point de Dieu. Je défie qui que ce soit de sortir de ce cercle, et maintenant, choisissons ». Mais Tarkovsky va plus loin disant « Je crois parce qu'il est : absurde de croire » qui est de lui et non de Quintus Septimius Florens Tertullianus le Berbère converti au christianisme ni de Bakounine. Maintenant on sait, Tarkovsky puise sa mystique dans l'anarchisme (c'est ce qui la rend infinie).