L'orchestre impossible du XXIe siècle

Qu'est-ce qu'un orchestre ? à quoi ça sert ?

Un orchestre, ça sert à faire de la musique à plusieurs, ensemble dans un même lieu et en même temps.

 

Formation d'orchestres (dans l'Occident du XXIe siècle)

Réussir à assembler des musiciens (non amateurs) occupés (à autre(s) chose(s)), pour former un orchestre, tient de l'exploit. Rassembler l'indisponibilité de chacun, à former un orchestre, tient de l'impossible. Qu'est-ce qui rend les musiciens indisponibles à la formation d'orchestres ? L'investissement personnel dans plusieurs projets en même temps ? Est-ce pour assouvir sa curiosité que de s'engager dans plusieurs projets à la fois ? Les projets se superposent, voire se télescopent (se font dommages), mais est-ce possible de tous les parfaire ? Pour se rendre disponible à tous, il faut partager sa capacité avec une faculté de compréhension et d'apprentissage et d'adaptation éclair. Mais cette présence capable reste liée à la « récompense » de l'argent (salaire) pour « gagner sa vie » par l'accumulation d'emplois, c'est un argument convaincu qui ne se discute pas. Si l'argent devient l'objet majeur du travail (la récompense), la musique perd son intérêt majeur, car elle n'est plus la récompense principale et la musique est corrompue (bâclée). C'est une des brèches de la médiocratie. Payer un musicien pour le retenir dans l'orchestre revient à corrompre son occupation. Le salariat peut retenir le corps, mais pas l'esprit, l'argent n'est pas la solution unique pour garder le musicien dans l'orchestre. Personne ne devrait accepter d'être payé pour une tâche à accomplir (une musique à interpréter), car la tâche se détache de son intérêt et de sa responsabilité en la payant. Le péage pour le droit de vivre (gagner sa vie) est la forme majeure de la corruption de l'humanité : l'institution de nos sociétés esclavagistes. Le revenu ne devrait pas s'imposer pour se jouer avec la mort : « si tu ne travailles pas, tu meurs » (tu ne manges pas, tu n'as pas de maison, tu n'as rien) est le slogan de nos sociétés esclavagistes. Un revenu de base doit être un droit de naissance comme l'air qu'on respire pour vivre, nous disent les économistes allemands, suisses et autrichiens pour une économie de partage (contrairement aux économistes atterrés français). Fonctionnariser un musicien revient à ce qu'il engage son obéissance par sa présence physique ponctuelle et « l'exécution » du travail demandé. Le salarié n'est ni autonome, ni créatif : il s'est pris (au piège) dans sa tâche répétitive (sans inattendus). Sauf s'il fait du zèle, et dans ce cas, il se trouvera en porte à faux d'être un esclave qui ne peut pas être indépendant (penser et agir de lui-même). Chacun devrait avoir les moyens de vivre sans que ce moyen vienne corrompre la musique. Le salaire-récompense est le résultat d'une société corrompue par l'argent qui déteint dans la musique pour orchestre. La course au cachet est l'activité majeure du musicien en France. La course au cachet en 10 mois est la conséquence du statut salarial du musicien contrairement au statut du compositeur qui comme le peintre est une profession libérale : il facture en son nom sans TVA la commande d'oeuvre. Sans commande le peintre et le compositeur meurent-ils ?

Rassembler des musiciens dans un orchestre, ne dépend pas uniquement de l'aspect économique, mais de leurs disponibilités dans l'accumulation de leurs occupations. Occupations qu'on classe dans une échelle de valeurs pour opérer son choix. Le choix (la préférence) s'opère en fonction de la finalisation économique du projet : sa réalisation. Les critères sont nombreux et la hiérarchie qualitative s'opère. Le critère de l'argent revient de façon chronique, mais est un faux argument : qui doit-on payer ? l'initiateur (le compositeur) ou les adhérents (les musiciens) au projet de musique orchestrale ? Comme formateur à une pratique orchestrale unique et originale de sa musique, le compositeur ne devrait-il pas faire payer sa formation ? Comme salariés de l'entreprise orchestrale, les musiciens ne devraient-ils pas faire payer leur travail ? Musiciens et compositeurs doivent-ils tirer la couverture à soi en demande pour le paiement de leur travail dans un réseau où la rentabilité est inexistante ? autant s'entendre ensemble pour réaliser la musique en s'organisant un revenu de base.

La concurrence de la machine, qui est une exécutante « parfaite » (des musiques mécaniques), rend encore plus difficile la motivation pour les compositeurs à créer des orchestres (nécessaire à l'interprétation de leurs musiques). Avec les machines automatiques (automate => robot), les rapports humains (contradictoires) sont gommés. Le compositeur se concentre sur le dosage de paramètres au lieu de composer la sympathie des êtres humains vibrants. Chaque individu de l'orchestre est un apport et un rapport dense qui se superpose aux autres. Les individualités de l'orchestre, ensemble sont, contrairement aux machines, ingouvernables (bien qu'un être humain ne tombe pas en panne même s'il est malade) : on/off. Les régimes totalitaires basent leur idéologie sur « l'obéissance » des machines, qui exécutent les « ordres » à la commande. Qui en aucun cas pour moi, n'est applicable aux êtres humains et donc à la musique. Seul dans les sociétés hiérarchisées conditionnées à l'obéissance et à la corruption du salaire-récompense (droit de vie) qui cultive l'esclave à s'autogérer. C'est le cas des musiciens de l'orchestre symphonique classique : le musicien est fonctionnaire (machinisé) salarié à exécuter dans l'obéissance les écritures (lois) des compositeurs morts rendus dictateurs qu'ils n'étaient pas.

L'attitude du compositeur dans un orchestre constitué de musiciens libres (indépendants, créatifs et occupés à plusieurs projets) ne peut pas exiger l'exécution absolue et stricte de la machine orchestrale salariale. Le compositeur ne peut s'en tenir qu'à des propositions (partitions) qui seront interprétées. En tant que compositeur, il est impossible d'obliger le contexte à ses caprices : est-ce vraiment souhaitable ? Le compositeur dictateur absolu, dans ce contexte, ne fonctionne pas et la dictature dans la musique (partage de la sympathie) n'est pas favorable à son épanouissement. La dictature est pratiquée dans les conservatoires de musique (dirigés par des carrières musicales frustrées) où les enfants souffrent gratuitement (bien qu'ils ne soient pas payés pour : ne le devraient-ils pas ?). Un musicien, pour être original et développer son talent, doit obligatoirement se libérer de cette dictature pour accéder à la virtuosité (de vertu). Mais ses libérations se cantonnent principalement à des carrières solistes au prorata des sacrifices subits. Le mérite de la carrière soliste ne se partage pas : le mérite se garde pour soi en compensation des souffrances subit dans l'esprit de compétition. Dans un orchestre, le mérite se partage. L'existence d'orchestres indépendants constitués de musiciens indépendants jouant de la musique vivante (conçue par des compositeurs vivants) est très rare où souvent leur existence est éphémère le temps d'un concert; en comparaison des orchestres constitués de musiciens salariés (voire syndiqués) et des compositeurs utilisant les machines (moins cher qu'un orchestre dans notre contexte économique). Mais payer n'augmente pas la qualité du travail. Même payer plus, n'augmente pas la qualité du travail.

Réussir à former un orchestre avec une interprétation optimum de la musique originale projetée (composée) est une situation qui dépend : des moyens d'accueil, de la sympathie entre les musiciens et les musiciens et le compositeur, de retirer de l'esprit l'inquiétude des moyens d'existence par une rémunération fournie avant le travail (la rémunération ne paye pas le travail, elle donne la possibilité de ne plus s'inquiéter), de l'investissement psychique (disponibilité, concentration et attention) de chaque musicien et du temps alloué aux répétitions ainsi que de la faculté de sentir et communiquer le vibratoire. Le fait de se sentir concerné par une oeuvre orchestrale commune où l'un ne joue pas sans l'autre est générateur de sympathies (résonnances). Dans sa pratique, la musique explorante à créer est inconnue des musiciens : par la concentration de particularités musicales qui forment l'originalité de la musique (et son intérêt). Dans ce contexte de création, le projet musical (la composition de la partition et la mise en oeuvre avec les répétitions) propose une pratique instrumentale à explorer et à apprivoiser. Sa réalisation n'est pas impossible, mais demande un certain temps, plus long que de reproduire l'acquis. L'exemple des formations classiques qui dévorent les moyens de sa production pour ne rien laisser aux autres est fâcheux, car c'est au détriment des musiques des compositeurs vivants. Mais chacune et chacun n'a plus le temps (ou pas assez) de se consacrer à parfaire la musique. Ce qui génère une médiocratie. Le manque d'exigence de soi implique un travail bâclé.

Quelle solution ? de former un orchestre avec l'indisponibilité de chacun ? Les attraper au vol, enregistrer leur partie, diffuser l'enregistrement au concert ? Est-ce alors un concert ? Le concert n'est-il pas l'interaction entre les musiciens et les auditeurs ? Si cette interaction est absente est-ce toujours un concert ? Les concerts de musique électroacoustique sont ennuyeux pour cela. Ça diffuse de la musique enregistrée et il n'y a pas d'erreur possible dans le jeu de la musique qui puisse faire découvrir un jeu bouleversant. Dans l'orchestre l'un ne va pas sans l'autre : l'erreur soutient et permet la virtuosité et la virtuosité permet et soutien l'erreur.

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L'expérience Midi-Pyrénéenne

« Quel intérêt de faire de la musique avec des musiciens qui ne sont pas concernés par la musique qu'ils jouent ? aucun. La musique orchestrale que je tente de créer à Toulouse n'intéresse pas les musiciens, ils sont tout au plus curieux (viennent visiter le phénomène), mais sont pris par des engagements plus importants. Les musiciens ne considèrent pas mon travail de compositeur suffisamment important pour être respecté. La musique est bâclée. Ce constat montre qu'il est impossible de créer une musique originale orchestrale à la base : avec les musiciens intéressés. L'esprit de rigueur et d'exploration ne prévaut pas à l'esprit suffisant. 8 années d'effort et de labeur à Toulouse sans succès. Si tous les musiciens de l'orchestre n'ont pas le même objectif : celui ensemble de créer une musique originale, c'est peine perdue. » Au re:voir.

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Quel est le sens de l'orchestre dans nos sociétés d'individus isolés ?
Quelle est la place du musicien (la liberté créatrice) dans nos sociétés sous contrôle ?

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L'orchestre au présent impossible

et ces conséquences

L'orchestre est le microcosme, le reflet réduit du fonctionnement de nos sociétés, de son organisation sociale avec ses croyances et sa morale. Une société hiérarchisée donnera un orchestre hiérarchisé qui se vérifie avec l'orchestre classique symphonique : chef, premier violon, etc., avec ses instruments majeurs et ses instruments mineurs. La musique d'avant-garde après la Seconde Guerre mondiale a essayé d'éviter ce schéma hiérarchique (tentatives entamées au début du XXe siècle) avec des compositeurs comme Xenakis ou Stockhausen, mais cette hiérarchie symphonique demeure encore au XXIe siècle jusqu'à lui construire encore des édifices dédiés. La musique des compositeurs vivants est toujours ignorée au bénéfice de la musique romantique du XIXe siècle des compositeurs morts. La raison en est simple : la musique classique romantique représente le modèle hiérarchique de l'autorité : sa gloire. Gloire qui va se dégrader avec la liberté de création des compositeurs des générations suivantes. Valeur toujours défendue dans nos sociétés contemporaines 200 ans après. Les musiques d'avant-gardes (pas toutes) fonctionnent sur le modèle de l'échange et du partage et les musiques du début du XXe siècle sur l'égalité des droits avec des compositeurs comme Schöenberg, Milhaud ou Webern. Bartok, Stravinsky puis Varèse se sont penchés sur la sonorité de l'orchestre sans se soucier de son organisation sociale : ils l'ont ignoré tout en transformant sa hiérarchie classique en quelque chose d'autre pour servir leurs musiques : Varèse a effacé la suprématie des cordes, Stravinsky a déplacé la suprématie dans l'orchestre classique en donnant des rôles importants aux instruments considérés comme mineurs et Bartok recompose l'orchestre en fonction de ses besoins de sa musique pour cordes, percussions et célesta par exemple.

Après 100 années de révolution musicale, l'orchestre contemporain devrait accepter tous les instruments de musique (il n'en est rien) en attente de ce que les compositeurs puissent imaginer, proposer et composer, mais hautbois, flûte de pan basse, guitare électrique, erhu et synthétiseur analogique par exemple restent inensemblables, immélangeables. Les musiciens qui se cloisonnent dans une période de l'histoire et dans un espace géographique ne devraient-ils pas avoir plutôt l'ouverture d'esprit à l'expérimentation au lieu de consolider des stéréotypes pour marquer son appartenance à un groupe immuable et empêcher son évolution par l'échange ? La remise en jeu de la technique instrumentale acquise, ne remet pas en cause son talent ni son jeu; comme il est fermement cru, sans en démordre. Au contraire, l'ouverture d'esprit ne peut qu'apporter un enrichissement de soi, c'est la première qualité du musicien virtuose.

Mais cet orchestre ouvert aux mélanges (transculturels, transclasses, etc.) au XXIe siècle reste toujours impossible : comme le reflet de nos sociétés racistes. Sociétés qui refusent la responsabilité de soi, pour servir une hiérarchie en admirant l'autorité au sommet. Sans doute pour garder son sentiment de sécurité dans l'infériorité (du fort qui protège le faible) bien que ce soit un leurre : « vous, pauvres, vous sentez-vous protégés des banquiers ? ». Les valeurs fondamentales de nos sociétés (jusqu'à s'immiscer dans l'organisation familiale) sont l'hostilité (considérée comme naturelle) qui installe l'hypocrisie (pour pouvoir vivre au côté de ses ennemis) et l'escroquerie (pour contrarier la générosité de l'intégrité et normaliser la corruption) et qui s'exprime dans l'interjection : « faire un max de fric » (aux dépens des autres). On peut comprendre aisément cette activité majeure que « de faire du fric » puisse corrompre toutes les autres activités, dont celle de faire de la musique ensemble. Librement, sans le souci de sa survie, isolé parmi les autres. Dans ce contexte de survie, isolé parmi les autres, la difficulté de rassembler des musiciens pour former un orchestre qui ne garantit pas la sortie obligatoire de sa survie pour vivre dans l'apaisement de ne plus manquer, est insurmontable dans la durée nécessaire à l'élaboration de la musique. Les coûts salariés étant hors de portée dans une activité qui ne fait pas de bénéfices monétaires.

Un orchestre de 20 musiciens (pas dans le besoin) coûte environ 80k€ pour un mois de répétition (travail rémunéré) toutes charges « d'intermittent du spectacle » comprises pour un peu moins de 2k€ par musicien (ce qui est peu). Pour rembourser ses frais (sans compter les autres), il faudrait avec un billet à 10€ pour le concert, 8000 spectateurs. Pour attirer 8000 spectateurs dans un lieu de concert, il faut : et la salle qui puisse accueillir 8000 personnes (avec son personnel) et un budget publicitaire (avec son personnel) pour faire acheter les 8000 billets mis en vente (avec son personnel). La salle municipale de la Halle aux Grains à Toulouse par exemple est louée 8000€ pour une soirée, elle a une capacité de 1000 places environ, ce qui oblige de donner 8 concerts et de payer 64k€ en plus. Pour que les gens aient le désir d'acheter les billets, il faut que le concert soit un évènement national retransmis par tous les médias nationaux (puis régionaux) : et surtout, le journal télévisé de 20h devant lequel chaque Français et Française s'hypnotise en se mutant avec son dîner. Les coûts publicitaires télévisés sont astronomiques (pour être remarqué et désiré) et dans le cas de notre concert pour vendre 8000 billets à 10€ dépasse l'absurde. C'est un terrain de jeu privilégié aux très grosses fortunes propriétaires de ces médias (qui ne concerne en rien la musique). Un coût publicitaire raisonnable : en transformant le billet de concert en billet de loterie avec au moins 100 fois sa mise, peut être une stratégie pour vendre ses billets, mais cela reste une corruption au risque d'une salle vide pour la musique. Les coûts supplémentaires de location de salle et de publicité doublent au moins le budget initial des salaires des musiciens de l'orchestre. Coût à rembourser sans bénéfice. Il faudrait jouer le concert au moins 16 fois en négociant un coût régressif obligatoire de location de la salle et en augmentant le prix du billet au moins à 20€ (la salle en prenant 10). Mais avez-vous vu un même concert joué 16 fois de suite avec le même orchestre et la même musique, moi non. Dans le cas d'une tournée (pour payer les salaires du mois de répétition), il faut ajouter les frais de déplacement (voyage, hébergement, restauration) aux frais publicitaires et de locations des salles pour chaque ville. Conclusion : notre système économique a rendu impossible l'expression vivante de la musique. Sans parler du fossé entre la chanson et la musique expérimentale (musique qui n'existe pas). La musique et le commerce ne s'entendent pas, car le don (gratuit, sans retour, sans attente, etc.) est la première qualité qui permet l'existence de la musique et qui ne permet pas l'existence du commerce. Plus la musique se dépense, plus elle dépense : c'est le piège de son économie. L'activité musicale ne peut pas être un commerce rentable sauf dans l'activité du pillage des droits d'auteur et dans la reproduction mécanique à péage (l'enregistrement et le marché des fichiers audio) : le disque qui aujourd'hui a été remplacé par un fichier informatique. Un fichier informatique n'est plus un produit qui se vend, mais une information qui se télécharge. Et les nouvelles générations ne sont plus obéissantes à payer une information multipliée dans le réseau Internet. Avec une nouvelle pensée morale : « il n'est pas possible, il n'est pas concevable d'interdire l'accès à l'information ». La musique aujourd'hui perd tous ses supports matériels vendables (le disque reste une très courte période dans l'histoire de la musique). La musique se dérobe à l'enfermement dans un produit marketing issu de la propriété de biens, issu de l'égoïsme (à moi, pas à toi). La musique dans sa fonction fondamentale se partage par la sympathie de ses vibrations. Ce que l'on nomme son est une vibration qui n'existe que par sympathie, avec l'aide des autres. La projection de l'onde se réalise par la matière, s'il n'y a personne, l'onde existante ne se manifeste pas. L'activité musicale est un don : un don de soi pour les autres qui alimente l'intelligence en remuant ses émotions. La musique ne peut pas être prise en otage par le commerce (ni le commerce par la musique) : musique et commerce doivent être indépendants pour ne pas se contrarier l'un l'autre. La musique ce sont des productions de signifiants sensibles sans signification, sans idéologie morale ni principes de moeurs. La musique n'est pas comme l'argent, tous deux n'ont pas la même fonction : l'une se donne (échange gratuit sans contrepartie) et l'autre se garde pour se faire mousser (illusion de la croissance du pécule) et s'irrigue dans le jeu d'influence de la mise. Confondre la musique avec l'argent (un bien d'échange avec un bien qui s'échange) provoque son tarissement de l'un et de l'autre : c'est ce que nous constatons aujourd'hui au XXIe siècle (issue d'une activité intensive réglée hostile depuis plus de 40 ans). Si la musique ne se dépense plus, elle n'existe plus. Mais l'argent qui ne se dépense plus se préserve.

La musique qui n'est pas jouée meurt, les archives sonores des musiques enregistrées restent des ancêtres décontextualisés (le fait d'écrire fait de nous des ancêtres). La musique devrait aider à retirer l'argent de son champ qui ne cultive pas le jeu de la mise (investissements, loterie, banques, poker, etc., qui ont des lieux dédiés : casinos, bourses, salariés, marchés, banques, salons de jeux, etc.). C'est la mise en danger volontaire de soi et des autres par le jeu de la mise (pour les vrais joueurs pas les lâches nantis qui ne jouent que gagnant) : pour l'adrénaline et la sensation de pouvoir (sur les autres). La musique n'a rien à voir avec ça. Si la musique met en danger les auditeurs, il n'y a plus de musique. Si le commerce met en danger ses clients, c'est pour ramasser leurs mises, leurs investissements. Dans cette prise d'otages, les orchestres ne peuvent pas exister avec l'ouverture d'esprit nécessaire à l'exploration de ses capacités musicales. Seulement de jouer la musique des ancêtres décontextualisés, mais stéréotypés, pillés et édités (objets sonores qui demandent péage et reconnaissance du marché). Les vivants meurent de la musique vivante présente absente à ressasser un passé décontextualisé; met des droits commerciaux d'artistes morts dans notre présent : arme de destruction de la musique vivante présente. La musique est l'expression, le reflet, la réflexion de l'humanité vivante. Si la musique meurt, l'humanité meurt.

La musique n'a pas d'idéologie, telles la science, la politique et la religion. Il n'est pas question de vérité, d'obéissance et de pouvoir en imaginant des puissances dévastatrices. La musique pense le sensible de la matière-énergie qui s'exprime et se vérifie dans le vibratoire créant l'espace-temps ou l'idée de temporalités spatiales (cosmogonie) perceptibles par conditionnement culturel de son être biologique tout en restant ouvert. La musique communique tout autant avec l'avantage d'absence de signifié, de mots, elle communique le sensible par le vibratoire (le stéréotype est une relation bijective de régression qui sert à faire rire). Le vibratoire est la source d'énergie de toute vie. Que se passerait-il si les atomes cessaient de vibrer ? cessaient de faire de la musique ? Tout meurt.

 

Dans l'orchestre de ce début du XXIe, les musiciens jouent en même temps sans être ensemble,
c'est le paradoxe et la cause de l'agonie de la musique orchestrale savante, des compositeurs vivants, du présent.

Être ensemble et s'ignorer est l'effet de la première blessure sociale qui résulte de l'hostilité permanente de la civilisation occidentale globalisante.
Chacun redoute l'autre, car il est plus susceptible de créer de la souffrance que du plaisir. L'isolement est devenu une protection de soi.

être en même temps sans être ensemble

 

1979 - 2016, il semble que. Les musiciennes et musiciens n'existent pas encore pour jouer mes musiques (6eme paragraphe) orchestrales qui sans orchestre ne seront jamais entendues.

 

La douleur sociale ne se guérira pas sans la musique

Pourquoi (pour moi depuis les années 80 du XXe siècle) est-il si difficile de former un orchestre (pas un groupe, mais un orchestre entre 10 et 100 musiciens) ? La cause est simple : l'argent. La valeur sociale, morale donnée à l'argent. Jusqu'à ne plus savoir ni pouvoir vivre sans argent. Le pouvoir de donner à un être humain sans argent la possibilité de souffrir et de mourir. Sous le règne totalitaire de l'argent = du travail acheté, du péage banalisé, un musicien cherche du travail rémunéré, payé comme tout salarié, payé pour payer sa maison (la récompense du logis conditionnel) et tout ce dont il a besoin et désire s'approprier jusqu'au futile (marque de sa richesse : l'inutile cher = le luxe) pour vivre sa vie en dehors de son métier (son occupation). Dans une société où l'argent règne, tout se paye. Le coût d'un orchestre (salaire des exécutants employés à sonner, loyer et intendance) n'est pas accessible à un particulier non millionnaire (le cas de Felix Mendelssohn est une exception, le cas de Richard Wagner qui s'est fait payer un opéra avec orchestre à Bayreuth par l'empereur, aussi). Un compositeur qui désire réaliser sa musique pour orchestre n'a que 2 solutions (1/2) : 1. soit il se corrompt politiquement, se rapproche du pouvoir politique et ces inconvénients (Piere Boulez), soit, 2. il improvise avec ceux qu'il y a dans le contexte donné : cette solution (celle que j'ai choisie) ne permet pas un travail suivit à long terme pour mûrir une musique orchestrale, mais a l'avantage de ne pas être vendue à d'autres intérêts non-artistiques ou politico-économiques (comme la musique de film gros budget au symphonisme stéréotypé où le compositeur exécute la commande des producteurs en tant que salarié obéissant démunit de ses droits). Le 3e cas est de théoriser l'orchestre dans la partition (Iannis Xenakis) : une adaptation quantitative du possible chiffré. Dans les 3 cas, ça reste insuffisant pour la musique. Le nombre de répétitions est toujours limité pour ne réaliser la musique que partiellement. La damnation de la musique savante vivante est qu'elle sonne en concert toujours inachevée, réalisée imparfaitement, incomplètement et incomprise. Pourtant, la musique est l'activité humaine qui crée la sympathie vibratoire. L'orchestre est la conséquence logique de cette sympathie interhumaine. Mais si le rassemblement humain est en société impossible, ça signifie que la sympathie a été échangée contre la méfiance due à un contexte hostile : on ne touche pas, on n'échange pas, on ne partage pas : on lutte. Aïe. Quel est l'intérêt à interdire la sympathie, la musique ? la réponse ? chacun au fond de soi la connait.

 

ou de la vibration sans réaction
pour une civilisation de vivants morts.

 

Ecoles de musique corrompues

Le fait d'avoir expulsé l'inventivité et la créativité, des compositeurs vivants, des écoles de musique ; que ces mêmes écoles de musique n'apprennent aux élèves qu'un seul type de musique, musique morte (de compositeurs morts au désavantage des vivants) qui ne dépassent pas le XIXe siècle (et dans l'autre sens le XVIIIe), crée une scission temporelle dans l'esprit du jeune musicien, une schizophonie où le sens présent se désaccorde avec un passé révolu (une dissonance temporelle et sa conséquence culturelle) où ce futur musicien est décontextualisé de son temps dans le stéréotype (des schémas à obéir) du passé (et obsolète, aux valeurs obsolètes). L'école est l'institut créateur de handicap. Le refus musical de vivre le présent (l'imaginaire en devenir) montre une résistance : celle de refuser la liberté créatrice des nouvelles générations d'artistes vivants pour favoriser les morts d'une époque perdue (en particulier celle de l'Empire des napoléons) qui réalise une domination politico-éonomique totalitaire sur les arts. La liberté des arts est l'ennemi principal de la politique de domination. Les arts pour la politique doivent « décorer » l'idéologie dominante gouvernante (en aucun cas exprimer la liberté créative) : état que nous vivons depuis l'instauration de « la politique culturelle » officiellement instituée en 1981.

 

Débat de l'orchestre impossible au XXIe siècle

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