HAUTEUR

 

 

un problème d'élévation

 

 

0.1.0. La hauteur est un problème d'élévation* attachée à notre culture où l'aigu fait référence à la douleur et le grave au drame.

 

1.1.1. La hauteur est une sensation attribut de la perception ou à la projection de celle-ci, elle n'est pas un "paramètre physique" comme nous répète Jean-Claude Risset (Hauteur et Timbre des Sons, Paradoxes de Hauteur 1978).

 

1.1.2. La hauteur forme en nous ou, nous formons en elle la qualité de pouvoir distinguer un son grave d'un son aigu.

 

1.1.3. Comment sommes-nous parvenus à distinguer très précisément les degrés d'acuité de la hauteur ?

 

1.1.4. Pourquoi avons-nous attaché tant d'importance à cette « qualité »  plus qu'à une autre ?

 

1.1.5. Pourquoi l'usage fait que la sensation unique de hauteur est assimilée à la fréquence (physique) fondamentale d'un son à structure harmonique ? Rien que parce que son amplitude est plus élevée ?

 

1.1.6. La sensation de hauteur selon Emile Leipp « est déterminée par l'intervalle en Herzt d'un spectre harmonique »  (Acoustique et Musique, 1976), cela implique que la différence entre chaque harmonique conjoint est égale à sa fréquence fondamentale. Dans le cas d'un son harmonique, sa fondamentale (sa fréquence la plus grave perceptible) et sa constante sont similaires. Mais qu'en est-il des sons à structure non-harmonique, leurs hauteurs ne seraient-elles pas perceptibles ? Nous percevons la hauteur d'un son sinusoïdale (le sinus n'a pas de spectre : n'est pas un amas de fréquences) sans jauger un quelconque intervalle spectral.

 

1.1.7. Dans la perception des hauteurs, il y a deux types de percepteurs: l'oreille « non-éduquée »  et l'oreille « éduquée » . Leipp devait parler de l'oreille « éduquée »  car sa théorie fait appelle à une REconnaissance. Reconnaître une position de hauteur marquée par notre culture occidentale de la mesure. Une oreille « non-éduquée »  ne reconnaît pas la position d'une hauteur puisqu'elle n'a pas de système référence de mesure comme référence. Elle distingue sa vitesse qualitative par son mouvement et non sa position mémorisée.

 

1.1.8. Il existe un troisième type de percepteur qui englobe l'oreille même : la matière. La matière est bombardée de vibrations qui la traversent constamment. Nous êtres humains faisont partie de la matière, nous sommes de la matière.

1.1.8.2. Ces vibrations, nous mesurons leurs vitesses (plutôt itérations et répétitions) en Hertz - un nombre de vibrations pulsatoires par seconde (nous mesurons le tempo (pulsations mécaniques donnant l'allure) en pulsation par minute) - et ces vibrations, nous les TRANSFORMONS en sensations de hauteur dans notre champs auditif - entre 20 et 20 000 vibrations par seconde selon les personnes -. Au-dessus et en-dessous, nous « n'entendons »  rien !

MAIS : une fréquence n'est pas une vibration, mais la mesure (unique) d'une redondance pulsatoire : une idée de la régularité (de quelle vibration ?) exprimée en pulsation par seconde à tout moment donné : une généralité mesurable.

 

1.1.9.1. La mesure en Hertz d'une vibration suppose que cette vibration soit régulière. Dans le cas d'une vibration irrégulière, elle est décomposée en plusieurs vibrations régulières (selon la théorie de la décomposition vibratoire de Fourier). Mais qu'en est-il des vibrations irrégulières qui ne se répètent jamais ? Elles sont reléguées sous le vocable BRUIT (qualité morale d'un désordre incontrôlable).

 

1.1.9.2. Pour un percepteur éduqué (un auditeur conditionné) dans sa différence de perception du degrés d'acuité des hauteurs, nous pouvons distinguer deux manières de percevoir les hauteurs. La première qui est nommée « hauteur tonale »  est l'appréciation de la fréquence de fusion propre à un spectre qui a le pouvoir de fusionner dans notre champs auditif, généralement des spectres harmoniques. La deuxième qui est nommée « hauteur spectrale »  est l'appréciation simultanée de toutes (?) les fréquences, de leurs vitesses et amplitudes respectives d'un spectre qui n'a pas vraiment le pouvoir de fusion dans notre champs auditif (ce champs de perception est propre à chacun et est exclusif). L'écoute spectrale analytique permet de protéger son système auditif dans le contexte de fortes puissances vibratoires que l'écoute tonale interdit.

 

1.1.9.3. Notre réflexe de fusion concernant les spectres, est directement lié à la simultanéité des enveloppes de chaque fréquence composant le spectre, nous dit Stefen McAdams (L'Image Auditive, 1985). Mais dans le cas où la simultanéité des enveloppes des fréquences composent un spectre non harmonique, comment ces « hauteurs spectrales »  seraient-elles perceptibles dans ce même spectre non harmonique ? Y a t-il réflexe de fusion ou pas ? La fusion est une idée issue du dédoublement de soi (pas le contraire) et de sa disparition dans un Dieu unique (monothéisme) qui détient la miséricorde : la pitié du dominant (des ministres de Dieu bien humains) en échange de l'obéissance absolue de ses serviles : les croyants. La "fusion" ou la disparition de 2 entités en une seule ne s'opère que dans l'octaviation c'est-à-dire le dédoublement par 2 (100 Hz zt 200 Hz par exemple, mais dépend de la situation et du contexte).

 

1.1.9.4. Généralement dans un spectre harmonique (retenu pour la musique tonale occidentale), la fréquence fondamentale possède l'amplitude la plus élevée et est souvent plus persistante dans sa durée que les autres. L'amplitude et la durée vont décroissant plus on s'élève vers les harmoniques supérieures du spectre harmonique (longueurs d'ondes + courtes). Dans le désir culturel occidental, ça facilite ou favorise la perception « tonale » de cette musique. Mais une distribution d'amplitudes différentes, mais pas de formes d'enveloppes (évolution de l'amplitude dans le temps) différentes, n'altère pas la prégnance de la fréquence fondamentale d'un spectre harmonique. Les hautbois et la majorité des instruments asiatiques sont un bon exemple de ce type de spectre. Aussi, plus le nombre d'harmoniques est grand dans un spectre et plus cela renforce la précision d'appréciation de la fréquence fondamentale : sa « hauteur tonale »... En fait, il n'en est rien. Cette explication vient plus d'un désir de renforcement idéologique que de vouloir comprendre le phénomène sonore. L'écoute n'est pas une théorie, mais se repose sur elle.

Un spectre harmonique est très aisément localisable (nommable dans la note reconnue) uniquement du fait de la constance de sa fréquence vibratoire fondamentale. Exemple : un spectre harmonique avec un son fondamental à 110 Hz répète l'intervalle de 110 Hz entre chaque partiel de son spectre harmonique : 110 Hz (freq. fond.) 220 Hz (8ve) 330 Hz (5te) 440 Hz (4te) 550 Hz (3ce), etc., en s'additionnant elle-même ou en se multipliant à la suite (des entiers naturels) 1, 2, 3, 4, 5, etc. : ce qui revient au même. Cette constance, cette équidistance, cette répétition d'un intervalle (« écartement des raies ») dans le spectre harmonique permet aussi la localisation aisée (nommable dans la note reconnue) de la sensation de hauteur : son identification par ce qu'on peut nommer « la constance fréquentielle harmonique ». Qu'une reconnaissance de la « hauteur » avec tout autre spectre n'offre pas (cette « fusion » de ses parties assimile la constance de différences). Notre manière, notre habilité de fusionner les différences qui ne le sont pas vraiment. D'où vient ce désir de fusion ?

de La sensation du désir de puissance ?
de domination brouillée dans un processus sacré.

Un spectre n'est pas une série de « raies » localisables en fréquences, mais une amplitude variable avec des sommets à certaines fréquences (imagé avec le temps en abscisse, ça ressemble à des montagnes bien que sa propagation soit sphérique). Soit ces sommets sont stables et dans ce cas on peut localiser un accord de fréquences (spectre), soit ces sommets sont instables, mais les rapports sont stables (c'est le cas d'un glissando) et on peut définir les rapports de fréquences (intervalles), soit ni les fréquences ni les rapports de fréquences sont stables (proche réel**) et plusieurs spectres en un se définissent en fonction du temps étalon minimal pour un changement d'état spectral perceptible : la mobilité de son relief spherique.

 

1.1.9.5. Quand un spectre harmonique est incomplet, c'est à dire où il manque sa fréquence fondamentale : nous la reconstituons ! Et la hauteur « tonale »  de ce son est la hauteur de la fréquence fondamentale manquante. Conditionnement réussi par l'éducation (l'apprentissage n'est pas l'éducation puisqu'il n'y a pas d'obéissance à conditionner). Cela explique la théorie d'Emile Leipp (voir 1.1.6.), mais est-ce valable pour un percepteur non-éduqué ou pour une autre culture sonique ? Doute légitime. Illustrons ce propos quantitativement : certains physiciens stipulent qu'un spectre harmonique de la forme 1 2 3 4 5 6 7 8 9 etc., si dans cette suite algébrique il manque 1 et que la suite entendue est 2 3 4 5 6 7 8 9 etc., nous entendrions le 1 manquant. Aujourd'hui chacun peut tenter l'expérience avec les outils informatiques.

 

1.2.0. Tout cela nous montre que notre réflexe (?) de fusion est très bien développé (bien éduqué) pour le type du spectre harmonique. Comment ? Apparemment, nous fusionnons les intervalles qui sont des différences de fréquences alors que nous ne fusionnons pas les intervalles qui sont des rapports de fréquences : leurs différences sont, à chaque intervalle, différentes. Cela revient à dire que le spectre harmonique est constitué d'un seul intervalle identique dans le domaine de l'addition. Et que notre réflexe de fusion prime l'addition par un rapport constant plus que la multiplication par un rapport constant. Cela est très pratique pour les musiques qui veulent distinguer la hauteur additive de la hauteur multiplicative (la note de l'échelle), et le meilleur exemple est notre échelle « tempérée »  qui divise l'intervalle d'octave en 12 intervalles identiques (et trotte dans nos têtes filiales depuis plus de 300 ans).

 

1.2.1. Mais la sensation de hauteur unique se perd avec des sons à structure non-harmonique qui peuvent se distinguer en deux catégories. Le spectre non-harmonique homogène où les fréquences constituantes ont un temps d'apparition simultané et en phase. Et le spectre non-harmonique hétérogène où l'on distingue les fréquences constituantes séparément en raison de l'asynchronisme des mêmes ou différentes enveloppes de chaque fréquence du spectre.

 

1.2.1.0. Dans un spectre homogène en latence de fusion, le son est perçu comme unique, mais l'appréciation de sa hauteur reste floue, car nous attribuons ce spectre à plusieurs spectres harmoniques différents en même temps : ce qui génère une ambiguïté. Dans un spectre hétérogène, la perception de hauteurs est distincte et multiple et dans ce cas la sensation de hauteur unique se perd. La sensation de hauteur de la fréquence « dominante »  de ce type de spectre reste au choix du compositeur.

 

1.2.2.0. Ce genre de spectre est difficilement utilisable dans le système tonal occidental, sans qu'il y ait des grincements de dents puisque son harmonie est basée sur des accords, au sens propre « majeurs »  et « mineurs », ou prioritaires de sons à spectre harmonique. Et pourtant Schoenberg affirme dans son Traité d'Harmonie qu'« il n’existe pas de sons étrangers à l'harmonie puisque l'harmonie est un ensemble de sons simultanés ! Les sons étrangers à l'harmonie ne sont donc que ceux que les théoriciens ne purent accueillir dans leur propre système ».

 

1.2.2. Les spectres semi-harmoniques sont des spectres intermédiaires entre harmoniques et non-harmoniques, des hybrides rares qui se laissent difficilement découvrir grâce à notre confusion entre les notions de bruit et de sons étrangers. L'appréciation de leur hauteur est distincte et à la fois imprécise.

 

1.2.3. Percevoir une hauteur unique c'est aussi dans la majorité des cas d'abord localiser un registre (grave, médium, aigu ou basse, alto, ténor, soprano; etc.). Dans un spectre non harmonique plus la densité de ses fréquences est riche plus ses intervalles doivent être larges pour percevoir une hauteur unique. Suivant la densité des fréquences de ce spectre, il peut traverser plusieurs registres à la fois sans que la perception de sa hauteur dominante ne soit perturbée. Il existe un niveau de densité maximale au-delà duquel la sensation de hauteur avec celle de registre même devient indistincte : c'est la limite, ou la frontière entre ce que nous distinguons comme bruit et comme son.

 

1.2.4. Le filtrage (passe-bas, passe-haut, de bande et de rejection) d'un son non-harmonique provoque un changement de la perception de sa hauteur dominante, mais aussi de son timbre puisque sa structure spectrale est perturbée par le filtre. Contrairement à un spectre harmonique le timbre-de-tessiture change, mais pas sa hauteur puisque sa structure spectrale n'est pas perturbée par le filtre. La raison est qu'un spectre harmonique est construit avec un rapport unique dans le domaine de l'addition (que nous fusionnons) et qu'un spectre non-harmonique est construit avec au moins deux rapports différents aussi bien dans le domaine de l'addition que dans le domaine de la multiplication.

 

1.2.5. Il existe aussi des types de spectres chaotiques où les fréquences composantes du spectre sont en constante instabilité (en fréquence et en amplitude) d'incohérence, c'est-à-dire de prévisibilité quasi nulle. Ce sont des spectres complexes où il n'existe pas de hauteur perceptible.

 

1.2.6. Une onde sinusoïdale (en tant que composante d'un spectre) est un type de son très instable à notre perception: il peut varier de plus ou moins un ton suivant son amplitude ! Notre sensation d'intervalle, entre deux hauteurs, varie avec la tessiture des deux sinus composant l'intervalle: plus ce même intervalle « monte » dans l'aigu et plus il devient « large », plus ce même intervalle « descend » dans le grave et plus il devient « étroit ». Notre étalon de temps varie suivant notre évaluation psychique du temps : dans un état d'excitation, les durées nous paraissent plus courtes et nous entendons une fréquence donnée plus aiguë que ce qu'elle est. Dans un état d'ennui, les durées nous paraissent plus longues et nous percevons les fréquences plus graves qu'elles ne sont.

 

1.2.7. Aussi la durée nécessaire pour localiser une hauteur est d'un minimum de 20 ms : nous ne pouvons pas situer la hauteur d'un son d'une durée inférieure à 20 ms. Ce type de fréquence existe aussi dans un spectre harmonique ou non.

 

1.2.8. Il est difficile d'affirmer qu'une sensation de hauteur peut être absolue ! Une hauteur peut se localiser à l'aide de grilles mémorisées (échelles, modes, gammes) mais cette hauteur ne représente pas une « borne » immuable de cette grille. Une maison (la grille) est plus immuable que ses habitants (les hauteurs). Et la position d'un habitant dépend des facteurs que nous avons entrevus ci-dessus et d'autres encore. Rien qu'en changeant la fréquence du diapason.

 

1.2.9. Nous ne pouvons affirmer qu'une hauteur identique répétée fasse que cette hauteur sera identique à celles entendues précédemment. Elle sera reconnue, mais pas identique, c'est la marge de tolérance formée par notre culture occidentale : nous percevons « en gros » ! Avec la tolérance et l'intolérance définissant au centre la frontière.

 

1.3.0. Récapitulons : tracez les flèches correspondantes entre l'ensemble de gauche et celui de droite : tracez des ponts entre les différents éléments des deux ensembles : entre l'objet-idée ONDE distinguée en 9 degrés d'évaluation & la captation consciente de l'objet-idée HAUTEUR en 5 degrés de perception possible.

 

  ENTRE, ICI,
CONTEXTE VIDE
 

ONDE SINUSOÏDALE •

ONDE A SPECTRE HARMONIQUE COMPLET •

ONDE A SPECTRE HARMONIQUE INCOMPLET •

ONDE A SPECTRE SEMI-HARMONIQUE COHERENT •

ONDE A SPECTRE SEMI-HARMONIQUE INCOHERENT •

ONDE A SPECTRE NON-HARMONIQUE HOMOGENE •

ONDE A SPECTRE NON-HARMONIQUE HETEROGENE •

ONDE A SPECTRE QUASI-CHAOTIQUE STABLE •

ONDE A SPECTRE CHAOTIQUE (INSTABILITE ET IMPREVISIBITE TOTALE) •

BRUIT (?) •

 

• PERCEPTION PRECISE DE LA HAUTEUR

 

• PERCEPTION DISTINCTE DE LA HAUTEUR

 

• PERCEPTION AMBIGUE DE LA HAUTEUR

 

• PERCEPTION FLOUE DE LA HAUTEUR

 

• PERCEPTION IMPOSSIBLE DE LA HAUTEUR

 

N'EST JAMAIS VIDE

(les flèches passent obligatoirement par des champs d'influences)

 

 

1.3.1. Sans notre conception occidentale d'un TEMPS LINÉAIRE, Fourier ne serait jamais arrivé à sa théorie de la décomposition d'une onde complexe en un ensemble superposé d'ondes sinusoïdales simples (mesurées en fréquence***) qui dans un spectrogramme sont symbolisées par des « lignes » (pour la commodité ?). Il ne faudrait jamais confondre la symbolisation du perçu considérée comme allant de soi avec ce que notre imaginaire perçoit. Un sinus est une circularité sans anicroche.

 

1.3.2. Sans notre conception occidentale d'un TEMPS LINÉAIRE, notre descriptif ci-dessus de la hauteur, ne correspondrait à rien et ne voudrait rien dire. Pour les autres cultures non occidentales, cela ne veut rien dire.

 

1.3.3. Notre chance (extraordinaire) c'est que notre imagination correspond à des résultats réels (créatifs possibles).

 

1.3.4. Après que la physique acoustique occidentale imagina la structure du « son »  dans un temps linéaire avec un début (attack), un entretien (sustain), et une fin (release); notre civilisation créa à la suite des synthétiseurs électroniques avec « des sons que l'on entend » !

 

1.3.3.bis. Notre chance est que : à notre imagination correspond des résultats ( « réels ») au « répondant réalisé » : sa concorde sans résistance « naturellement ». ça donne à réfléchir

 

...

 

 

Notes
* direction centrifuge ou éloignement du centre-foyer. Alors que pitch en anglais fait référence à un degrés.
** le réel est ce qui est hors de nous.
*** Une fréquence audible n'est pas un objet d'écoute, mais la localisation mesurée approximative d'un phénomène audible.

 

 

suite

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