à la recherche de l'insonique

imparfait

 

En 1980 je suis parti à la conquête de l'insonable avec mes premières musiques titrées « Il m'est impossible de donner un titre à ce phénomène, car l'indicible au-delà des bords extrêmes de l'espace et du temps ne porte pas de nom » ou « Ourdission », et toutes les autres. L'idée était (est toujours) que la sensation auditive pouvait être annulée par son traitement spatial : son déplacement. C'est à dire rendre la sensation sonore de l'instrument de musique si mobile dans l'espace tridimensionnel qu'il puisse y avoir impossibilité de perception du rendu sonore pourtant diffusé. Faire que le phénomène échappe à notre capture sonique créatrice de sons. Pour cela il fallait des machines :

« THE ABSTRACTOR SPACE MACHINE
THE ABSTRACTOR SPACE MACHINE IS A DOCTOR FOR AUDIBLE SOUNDS TO MAKE THE SOUND INAUDIBLE. THE ABSTRACTOR SPACE MACHINE IS A KIND OF TRANSLATOR WHO GIVES TO US THESE CHANGING AND MANIFOLD INTERSPACES SENSITIVE TO OUR HUMAN PERCEPTION. THE ABSTRACTOR SPACE MACHINE IS A BIOARCHITECTURE WHERE ALL SPATIAL VARIABLES ARE PERPETUALLY IN A NEVER STABLE STATE AND IN A TOO FAST MOVEMENTS. THE ABSTRACTOR SPACE MACHINE GIVES BACK TO THE AUDIBLE SOUNDS THEIR UNPALPABLE AND UNKNOWN CHARACTERS OF THEIR SOURCES: TO DO NOT KNOW TO DISTINGUISH THE SOUND FROM THE IMPRESSION, TO DO NOT KNOW FROM WHERE WE HEAR. » c'est ça.

 

[machines qui aujourd'hui n'existent pas encore ou toujours pas. Durant toutes ces années, je suis à la recherche de ces machines spatiales qui depuis les sons tournants de Karlheinz Stockhausen d'Osaka en 1972 demeurent un fantasme collectif de piloter le son dans l'espace tridimensionnel. Mais les souhaits de tous ne doivent pas être similaires aux miens : en effet aujourd'hui avec l'aide des ordinateurs, le son est mouvable « automatiquement » sur plusieurs haut-parleurs principalement en « surround » : c'est-à-dire en deux dimensions [normalisé en « surround 5.1 » destiné au « home cinema » plus qu'à la musique]. Bien que ces programmes soient transgressables, il est relativement malaisé d'obtenir une écriture précise des trajectoires tridimensionnelles souhaitées par exemple le dédoublement du même dans sa trajectoire dynamique pour une reconnaissance du même dans deux lieux différents ou le déplacement fluide de « parois » constituées de centaines de clones soniques. La vitesse des trajectoires est souvent limitée ou se réfugie dans un vibrato spatial ininterressant.]

 

Et du vent contradictoire : le vent déplace la matière volatile et donc les vibrations qui en résultent. L'utilisation de grands ventilateurs me poursuit depuis ces années là. La composition de la direction et de la force du vent dans un lieu de concert perturbe la perception de ce qui pourrait être perçu comme sonique.

 

En 1983 nous avons réussi avec Laurence Casserley à Londres à créer la trajectoire d'avant en arrière constante d'Ourdission. Le son des flûtes spatialisé en quadriphonie verticale dans le tube des auditeurs ajoutait une dimension inouïe qui permettait difficilement de l'assimiler au son de flûte. En 1996, j'ai réussi à modifier la perception du son original par son déplacement spatial. C'est ce que j'ai nommé à l'époque les « spatial tones » (1) avec un pilotage MIDI : dans le projet « Shadow-Sky-Teub-System » ou la sensation de déplacement illusoire par clonage. Une lecture au-delà de 16 apparitions par seconde (16Hz) : au-delà de ce que les oreilles peuvent distinguer d'un son dans son positionnement spatial. Le système était piloté par un séquenceur MIDI avec un Atari qui à cause de la vitesse de lecture et d'un trop grand nombre de données des 32 pistes : 8 fois quatre clones, a « planté » pour donner une résultante aléatoire. Qu'est-ce que je regrette que cette expérience n'a pas pu être enregistrée...

 

J'ai expérimenté 10 différents types de spatialisations et que j'ai combinées :

1. la spatialisation matricielle qui consiste à piloter un banc de VCA (voltage controlled amplifier) : MATRIX-SPACE-SYSTEM
(sorte de panoramique 3D)
2. la spatialisation par microphones omni où chaque micro est relié à un haut-parleur et le mouvement du musicien parmi ces micros crée les trajectoires de ses sons : MIC-SPACE-SYSTEM : voir mon Arbre-à-micros
3. la spatialisation par effet Doppler : DOPPLER-SPACE-SYSTEM
4. la spatialisation par clonage des sons où chacun est fixe à un lieu, mais se trajectorise dans sa rythmisation : CLONE-SPACE-SYSTEM
5. la spatialisation par déphasage sur le modèle de Gerzon : PHASE-SPACE-SYSTEM
6. la spatialisation « en profondeur » par dosage du son direct avec sa réverbération qui donne l'impression de rapprochement et d'éloignement du son de l'auditeur : VERB-SPACE-SYSTEM
7. variation rythmique des espaces réverbérants pour un même son qui change de lieu acoustique progressivement ou violemment (subito) : SPACE-CHANGE-SYSTEM
8. Spatialisation sans électricité par un complexe de tubes délocalisateurs sur des kilomètres : TUBE-SPACE-SYSTEM
9. la spatialisation par rebonds utilisants des bancs d'échos (delay) en localisation 3D : DELAYS-SPACE-SYSTEM
10. la spatialisation par consort : orchestre du même instrument éparpillé dans l'espace. CONSORT-SPACE-SYSTEM

 

L'insonique est un fait : dans les ultrasons et les infrasons, mais ce qui nous intéresse c'est la situation interstitielle du relief de l'audibilité du son : l'attitude des intervalles de temps dans l'espace. Quelque chose de difficilement palpable, mais de suffisamment identifiable pour être composable. Bien que les outils dédiés soient toujours manquant.

 

...

 

notes
(1) voir la discussion débordante sur ce site (in English)
(2) voir descriptif des modes de spatialisations (in English)

 

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