The Quest-for-Freedom Theory by Tom Johnson July 30 - August 5, 1980 Usually I am satisfied with more modest goals, but this week I want to explain the whole history of contemporary music. Of course, I’ll have to skip over a lot of details, but one column is sufficient to give the general idea of my quest-for-freedom theory. Basically it goes like this. Musicians in the West have generally sought to free themselves from traditions of the past, but in the 20th century they have been seeking additional kinds of freedom, not only for themselves, but also for the music itself. We can see this already with Schoenberg’s ‘emancipation’ of the dissonance and with the gradual liberation of the musical vocabulary to include clusters, polytonality, chance procedures, chaotic forms, and all sorts of new sounds. Généralement, je me satisfais d'objectifs plus modestes, mais cette semaine, je veux expliquer toute l'histoire de la musique contemporaine. Bien sûr, je vais devoir esquiver énormément de détails, mais une colonne suffit pour donner l'idée générale de ma théorie de ma quête-pour-la-liberté. Normalement, ça se passe comme ça. Les musiciens d'Occident ont généralement cherché à se libérer des traditions du passé, mais au XXe siècle, ils cherchaient des types de liberté supplémentaires, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour la musique elle-même. Nous pouvons déjà voir cela avec « l'émancipation » de la dissonance de Schoenberg et avec la libération progressive du vocabulaire musical pour inclure des grappes, la polytonalité, les procédures de hasard, les formes chaotiques et toutes sortes de nouveaux sons. The liberation process continues with the types of performer freedom initiated by John Cage, with schemes for eliminating the conductor/master, with newer and less rigid notation techniques, and with composers like Robert Ashley, who came to feel that the real tyrant was music notation itself and who has avoided putting notes on staff paper for some years. A similar quest for freedom took place in the jazz tradition, which led from the extremely limited performer freedom in Dixieland solos to the freer and freer improvising of John Coltrane, Ornette Coleman, and Albert Ayler. Summarized this way, the evolution of contemporary music becomes so ridiculously simple that it is surprising critics and historians have never, so far as I know, chosen to explain it this way. Of course, as with most grand views of history, complications arise when you work out the details. But it has always seemed to me that the most interesting thing about theories is not the past answers they provide but the questions they raise. The quest-for-freedom theory raises quite a few. Le processus de libération [de la musique] se poursuit avec les libertés typées de l'interprète initiées par John Cage, avec des schémas pour éliminer le maître/chef d'orchestre, avec de nouvelles techniques moins rigides de notation de la musique, et avec des compositeurs tel Robert Ashley, qui en est venu à comprendre que le réel tyran de la musique est la notation musicale elle-même et qui a évité d'inscrire des notes sur le papier à portées pendant quelques années. Une quête similaire de liberté a eu lieu dans la tradition du jazz, qui a conduit de la liberté de l'interprète extrêmement limité du Dixieland solos à l'improvisation de plus en plus libre de John Coltrane, Ornette Coleman et Albert Ayler. Résumé de cette façon, l'évolution de la musique contemporaine devient si ridiculement simple qu'il est surprenant que les critiques et les historiens n'ont jamais, pour autant que je sache, choisi de l'expliquer de cette façon. Bien sûr, comme pour la plupart des grandes vues de l'histoire, des complications surviennent lorsqu'on travail dans le détail. Mais il m'a toujours semblé que la chose la plus intéressante à propos des théories n'est pas les réponses passées qu'elles fournissent, mais les questions qu'elles soulèvent [au présent]. La théorie de la quête-pour-la-liberté en soulève quelque unes. The United States is the first modern democracy and allegedly the ‘land of the free.’ Our history is cluttered with anarchist movements, liberation movements, protest groups, communes, and rugged individuals, and our lifestyle today emphasizes the kind of individualism that Philip Slater analyzed as ‘The Pursuit of Loneliness’ and Christopher Lasch more recently dissected in ‘The Culture of Narcissism.’ Yet mass taste in this country continues to call for singers who perform their repertoire the same way every night and tight groups that seem to have more authoritarian images every decade. Even in jazz, freer forms of improvisation are grossly outsold by the more controlled jazz-derived idioms of Spyro Gyra or Bob James or Chuck Mangione. Yet in Western Europe, where there is much greater respect for tradition and a much neater structure of social classes, ‘free music’ has developed large followings. Can we fit this into the theory? Les États-Unis sont la première démocratie moderne prétendue être la « terre de la liberté ». Notre histoire est encombrée de mouvements anarchistes, de mouvements de libération, de groupes de protestation, de communes et d'individus résistants indépendants et déterminés, et notre style de vie d'aujourd'hui valorise l'individualisme que Philip Slater a analysé comme « la poursuite de la solitude » et que Christopher Lasch a plus récemment disséqué dans « la culture du narcissisme ». [à ne pas confondre avec la culture de l'égoïsme capitalisant]. Pourtant le goût de la masse dans ce pays continue à vouloir entendre des chanteurs qui chantent de la même manière chaque soir le même répertoire ainsi que des petits groupes qui semblent avoir une image [de ce que doit être la musique] à chaque décennie de plus en plus autoritaire [voire intolérante]. Même dans le jazz, les formes plus libres d'improvisation sont largement dépassées par les expressions attendues et entendues du jazz, tels des Spyro Gyra, Bob James ou Chuck Mangione. Pourtant, en Europe occidentale, où il y règne un plus grand respect pour la tradition avec une distinction beaucoup plus nette entre les classes sociales, la « musique libre » a été développée par de nombreux musiciens. Pouvons-nous intégrer tout ça dans notre théorie ? Ethnomusicologist Verna Gillis had some interesting things to say about musical freedom when I spoke with her a few weeks ago. Gillis has traveled widely in Africa, the Caribbean, and other parts of the world, and she currently operates Soundscape, where programs of free improvisation are often presented. She told me that despite the plentitude of improvisation in almost all African and Caribbean music, she has never heard anything as loose and unstructured as some of the music presented in New York by American and European improvisers. But she also pointed out that New York audiences generally remain imprisoned in the typical concert format. They are expected to consume free music with the same reverent attitude that has been central to the European notion of Art for several centuries. By contrast, a musical event in Africa, with the performers laughing, others dancing, children fighting, and babies crying, offers many more options for the audience. Is an African situation of this sort thus a greater expression of freedom? L'ethnomusicologue Verna Gillis avait des choses intéressantes à dire sur la liberté musicale lorsque je lui ai parlé il y a quelques semaines. Gillis a beaucoup voyagé en Afrique, dans les Caraïbes et dans d'autres parties du monde, et elle opère actuellement sur un paysage sonore, où des programmes d'improvisation libre sont souvent présentés. Elle m'a dit qu'en dépit de la généralisation de l'improvisation dans presque toute la musique d'Afrique et des Caraïbes, elle n'a jamais rien entendu d'aussi libre et sans structure apparente que certaines musiques présentées à New York par des improvisateurs américains et européens. Mais elle a également souligné que le public de New York reste généralement emprisonné dans le format de concert classique. On s'attend à ce qu'ils écoutent la musique libre avec la même attitude de respect qui est essentiel dans le comportement européen envers l'art depuis plusieurs siècles. En revanche, un événement musical en Afrique, avec les artistes qui rient, d'autres qui dansent, des enfants qui se battent et des bébés qui pleurent, offre beaucoup plus d'options de comportement pour le public [que l'écoute silencieuse]. Une situation africaine de ce type est-elle donc une plus grande expression de la liberté ? When a musician like guitarist Derek Bailey becomes known as a free-form improviser, he becomes financially dependent on that reputation. His fans, his colleagues, and his recording outlets all depend on him to continue doing what he does, and ultimately he becomes locked into his image. He is then not even free to perform Bach or Dixieland, at least not without sacrificing a certain number of fans and gigs. What kind of freedom is that? Quand un musicien comme le guitariste Derek Bailey devient connu comme improvisateur libre, il devient financièrement dépendant de cette réputation. Ses admiratrices, ses collègues avec les offres d'opportunités d'enregistrement de disque lui demandent de continuer à faire ce qu'il fait, et finalement il est enfermé dans son image [de musique libre]. Il n'est alors même plus libre d'interpréter du Bach ou du Dixieland en concert, du moins, pas sans décevoir un certain nombre de ses admirateurs. De quel genre de liberté s'agit-il ? Freedom has a lot to do with both the common concept of improvisation, which is jazz-based, and the very different notion of ‘music indeterminate of its performance,’ which is Cage based. The former process leaves much to the performer’s will, while the latter generally limits the performer to a few choices or interpretations within highly prescribed limitations. Curiously though, improvisations can be relatively predictable while performances of indeterminate scores often abound in odd coincidences and unexpected juxtapositions that even the composer can’t predict. We might say that improvising is an exercise in free will while indeterminate scores encourage the performers to free themselves from the will. But what are the political and religious implications of these two processes, and how could we evaluate the quantity and quality of the freedom that results from them? La liberté est très liée à 2 concepts d'improvisation, celui qui est basé sur le jazz et celui qui est basé sur la notion très différente de « musique indéterminée » initiée par John Cage. Le premier concept laisse beaucoup de place à la volonté de l'interprète, tandis que le second limite généralement l'interprète à quelques choix ou interprétations dans des limitations écrites. Curieusement, les improvisations peuvent être relativement prévisibles, tandis que les performances de partitions indéterminées abondent souvent dans des coïncidences étranges et des juxtapositions inattendues que même le compositeur ne peut pas prédire. Nous pourrions dire que l'improvisation est un exercice de liberté, tandis que les partitions indéterminées encouragent les artistes à se libérer de l'exécution. Mais quelles sont les implications politiques et religieuses de ces deux concepts, et comment pourrions-nous évaluer la quantité et la qualité de la liberté qui en résulte ? When someone like Keith Jarrett improvises, he is theoretically free to play whatever he likes, while in Phill Niblock’s music the performers are restricted to playing long sustained tones with only minor variations in pitch and volume. Yet when I listen to Jarrett, I hear an attractive sort of music that is very much a part of current harmonic and pianistic conventions and seems a little afraid to step very far outside that. And when I listen to Niblock I hear a defiant sort of music that has broken free of current conventions and made its own unique world. Isn’t Niblock’s music more free than Jarrett’s in one important sense? Quand quelqu'un comme Keith Jarrett improvise, il est théoriquement libre de jouer ce qu'il aime, tandis que dans la musique de Phill Niblock, les interprètes sont limités à jouer des tons soutenus pendant longtemps avec seulement des variations mineures de hauteur et d'intensité. Pourtant, quand j'écoute Jarrett, j'entends une sorte de musique attrayante qui fait partie des conventions harmoniques des pianistes actuels et il semble avoir un peu peur de sortir de ça « pour aller plus loin » [voire, au-delà]. Et quand j'écoute Niblock, j'entends une sorte de musique provocante qui s'est libérée des conventions actuelles et forme son propre monde qui est unique. La musique de Niblock n'est-elle pas plus libre que celle de Jarrett, dans le sens important de la liberté ? A month or two ago I wrote about the elderly Italian composer, Giacinto Scelci, who is concerned with freedom but has no interest at all in improvisation. For him spontaneous musical decisions are merely ‘reactions’ stimulated by the habits and personal idiosyncrasies of the performer, and he strives for another kind of freedom through ‘right action’ in his carefully notated and slowly written scores. Isn’t this another very different attitude toward freedom? Il y a un mois ou deux, j'ai écrit sur le compositeur italien maintenant bien âgé, Giacinto Scelci, qui s'intéresse à la liberté, mais ne porte aucun intérêt pour l'improvisation. Pour lui, les décisions musicales spontanées ne sont que des « réactions » stimulées par les habitudes et les idiosyncrasies personnelles du musicien, et il s'efforce d’exprimer une autre liberté à travers « l'action juste » dans ses partitions soigneusement notées et écrites lentement. N'est-ce pas une autre attitude très différente de la liberté ? How many kinds of musical freedom are there? And why do so many musicians feel so strongly about their particular quests for freedom? And if we worked it all out could we really explain the course of 20th-century music with this little theory? Perhaps. But then we’d be locked into an intellectual system. And doesn’t the intellect want freedom, too? Combien y a-t-il de types de liberté musicale ? Et pourquoi tant de musiciens ressentent si intensément la nécessité particulière de leur quête de la liberté ? Et si nous étions en train de tout pouvoir résoudre, pourrions-nous vraiment expliquer le cours de la musique du XXe siècle avec cette petite théorie ? Peut-être. Mais alors nous serions enfermés dans un système intellectuel. Et l'intellect ne veut-il pas non plus être libre ? Editions 75, 75 rue de la Roquette, 75011 PARIS http://editions75.com tom.johnson@editions75.com Traduction Mathius Shadow-Sky centrebombe http://centrebombe.org Toulouse friends@centrebombe.org